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Rencontre avec l’expert
R05 – Psychopharmacologie du trouble de la personnalité borderline : que dit la littérature ?
Modérateur : Hervé JAVELOT – Brumath
Expert : Sébastien WEIBEL – Strasbourg

Le trouble de personnalité état limite ou borderline est l’un des troubles de personnalité le plus fréquent dans la population générale. De plus il entraine un impact important sur le fonctionnement avec de multiples conduites à risque. Son traitement actuel repose principalement sur la psychothérapie mais qu’en est-il de l’efficacité des traitements médicamenteux ?

Pourquoi il semble important de s’intéresser à ce trouble ?

Le trouble de personnalité borderline touche un peu moins d’1 % de la population générale et affecte principalement des jeunes femmes. Contrairement à la majorité des autres troubles de la personnalité, le trouble de personnalité borderline entraine de nombreuses hospitalisations en psychiatrie dû aux nombreuses mises en danger des patient(e)s. Une des principales complications de ce trouble est le suicide (concernant approximativement 5 % des patient(e)s souffrant de ce trouble). Les idées suicidaires ainsi que les tentatives de suicide sont ainsi un des principaux motifs d’hospitalisation de ces patient(e)s. Le traitement de référence est actuellement la thérapie comportementale dialectique développée par Marsha M. Linehan.

Et alors les traitements médicamenteux ça marche ?

Et là c’est le drame ! Une méta-analyse et review Cochrane ne retrouve aucune efficacité des différentes classes thérapeutiques de psychotropes (antipsychotiques, thymorégulateurs, ou encore antidépresseurs) sur l’évaluation de la symptomatologie globale des patient(e)s atteint(e)s de ce trouble. Mais comme le souligne Sébastien Weibel lors de sa communication cette méta-analyse présente certaines limites parmi lesquelles on peut noter la durée des études incluses. Des études scandinaves analysant les registres suédois montraient même que certains traitements médicamenteux (tel que les antidépresseurs, les antipsychotiques ou encore les benzodiazépines) étaient associés à un risque accru d’hospitalisation, de tentatives de suicide ou encore de suicide réussi alors que certains traitements psychostimulant utilisés dans le traitement du TDAH pourraient limiter ces risques. Il est tout de même important de noter que les études excluaient les patients atteints de troubles bipolaires ou encore de schizophrénies mais incluaient les patients atteints d’épisode dépressif ce qui pourrait éventuellement influencer les résultats concernant les antidépresseurs.

Du coup on ne prescrit rien ?

Peut-être qu’une manière de nuancer le propos, comme le souligne Sébastien Weibel, est d’envisager une prescription individualisée en fonction de différents critères. Le premier est la nécessité de traiter les comorbidités chez ces patient(e)s qui sont particulièrement fréquentes. Une deuxième pourrait être une approche symptomatique. Ces traitements devront être régulièrement surveillés afin d’évaluer leur efficacité (et de changer si cela n’est pas le cas) mais également leurs tolérances. Il conviendra également de veiller à que ces traitements « assistent » la psychothérapie associée et qu’ils n’entravent pas son déroulement notamment via des évitements émotionnels.

Un art délicat

Pour conclure, cette session souligne que la prescription médicamenteuse dans cette indication est un art à pratiquer avec parcimonie nécessitant une finesse clinique et une intégration de celle-ci directement dans la relation de soins et incluant les patient(e)s dans la réflexion thérapeutique. Évidemment si vous voulez entrer plus dans le détail des secrets de la prescription médicamenteuse dans cette population, vous pouvez retrouver en intégralité la session R05 du CFP 2023 qui vous apportera toutes les réponses à vos interrogations !

 

Bruno Roméo
Villejuif