Alliant une formation neuroscientifique poussée à une riche expérience clinique, Renaud David incarne une nouvelle génération de psychiatres qui, affranchis de tout dogmatisme, adopte, sans rien sacrifier à l’excellence, une démarche exploratoire et pragmatique afin d’améliorer concrètement la santé et la qualité de vie des individus. Spécialisé dans la psychiatrie du sujet âgé Renaud David a, au cours de son parcours, balayé diverses modalités de prise en soin de cette population des plus classiques aux plus innovantes. Dans son domaine de recherche privilégié, l’apathie, il s’engage aussi bien dans une démarche de compréhension de la genèse du symptôme que dans la prospection de traitements originaux. Naviguant entre différents niveaux d’analyse, depuis l’échelon individuel jusqu’à celui de la société et ne négligeant aucune piste, sa quête le conduit à explorer des domaines aussi variés que la sensorialité, les émotions ou encore les commotions cérébrales.

Faire le choix de la psychiatrie

Ce n’est que progressivement que le choix de la psychiatrie s’est précisé. Devenir médecin, nous dit-il, conciliait son intérêt pour la connaissance de l’humain, ce qu’il qualifie « d’accès à l’être intime » et le souci de ne pas être enfermé dans un métier. En effet, il lui apparaissait, à travers de nombreux exemples, que la carrière médicale offrait l’opportunité de parcours professionnels très variés. C’est peut-être finalement dans cette préoccupation originelle, toujours très active, de ne pas être enfermé dans un quelconque carcan, que l’on doit l’engagement de Renaud David dans la profession. Quant au choix de la psychiatrie, du fait de son intérêt particulier pour le cerveau, il fut un temps disputé à celui de la neurologie. Mais, pour Renaud David, la psychiatrie détenait l’attrait supplémentaire d’être en prise avec la vie, les émotions, la colère, la vie amoureuse… Cette discipline permettait également d’être en lien avec les phénomènes et événements sociétaux offrant ainsi une compréhension fine, une « lecture de l’instant ». Un stage d’externe en psychiatrie à l’hôpital de Kremlin Bicêtre, eut aussi son importance dans le choix de la discipline. Renaud David décrit la rencontre avec l’équipe, les visites, et surtout ce que pouvaient révéler, déclencher les entretiens : une découverte, pour lui, du pouvoir de la parole.

Un sujet de recherche motivant : l’apathie !

Parisien d’origine, Il fait des études de médecine à Kremlin Bicêtre puis un internat de psychiatrie à Nice où il décide de s’implanter. Sa thèse de médecine porte sur l’apathie dans les maladies neurodégénératives. S’il n’écarte pas l’hypothèse que son attrait pour l’apathie fasse écho aux commentaires de certains de ses professeurs de lycée, il reconnait humblement que cette thématique lui fut, au départ, suggérée par l’équipe de recherche du CHU de Nice qu’il rejoignait. Il est néanmoins, rapidement captivé par cette entité clinique mal connue dont il découvre qu’elle est un symptôme inaugural dans de nombreuses pathologies. La résonnance entre la notion d’apathie et les questions éminemment actuelles de motivation ou de perte de motivation soulève également un intérêt très personnel.

Renaud David poursuit par un clinicat qu’il effectue en hôpital de jour puis il travaille dans un centre de la mémoire du CHU de Nice pendant plusieurs années. Il interrompt une année cette activité pour effectuer des recherches sur la génétique de l’apathie dans la très prestigieuse université de Stanford en Californie. Ses travaux de recherche aboutiront à une thèse de neurosciences sur la transnosologie neurologique et psychiatrique de l’apathie.

Les sensorialités au cœur de sa pratique

Actuellement Renaud David travaille au CHU de Nice, il est responsable d’une équipe mobile psychiatrique de la personne âgée et de la mémoire. Il est spécialisé dans les intrications psycho-organiques ainsi que dans le suivi et la prise en charge des commotions cérébrales chez les sportifs de haut niveau. Son intérêt pour l’apathie le conduit à investir des champs de recherches originaux et variés. Il s’intéresse notamment au son dans ses différentes dimensions : l’impact du bruit sur la santé psychique, la protection des oreilles, la créativité artistique. Plus globalement, il s’intéresse aux liens entre toutes les sensorialités et le cerveau. Pour lui, l’apathie, l’altération de la motivation, comportent une dimension très émotionnelle dont une dispersion du sensible aux émotions positives et à « tout ce qui fait du bien ». Il cherche à établir comment la réactivation de certains modes de sensorialités comme la musique, les odeurs, la vue peuvent réactiver les centres du plaisir, réactiver des traces mnésiques et réenclencher des émotions positives. À cet égard, il évoque une piste de thérapie non médicamenteuse prometteuse : les casques de réalité virtuelle qui recréent par exemple des paysages dans lesquels les individus sont plongés. Cette expérience est susceptible de leur procurer et de réactiver des sensations, des émotions jusqu’ici restées endormies.

NuageSi Renaud David était un nuage…

 

Questionnaire de CQFProust :

Le Principal trait de mon caractère pathologique : Il y en a beaucoup, ça m’avait intrigué lorsque j’avais fait mon premier stage en psychiatrie j’avais le sentiment d’avoir un peu de chaque pathologie : anxieux, parano… C’est peut-être la définition de la santé : un peu de chaque pathologie en petite quantité…

La qualité que je désire chez un patient : Qu’il soit totalement honnête sur la prise en charge, la transparence, la confiance, je préfère qu’il me dise : « je n’ai pas pris mon traitement » lorsque c’est le cas.

Ce que j’apprécie le plus chez un collègue : L’empathie avec leurs patients, c’est la qualité qui paraît la plus importante : l’empathie et l’écoute. Tu dois composer avec des personnes qui sont dans une grande détresse, des patients, des familles, et des soignants qui peuvent être très affectés. Il faut aussi avoir de la patience, savoir répéter plusieurs fois la même chose.

Mon principal défaut en entretien : Je n’en sais rien, il faudrait que d’autres me le disent.

Mon occupation quand je m’ennuie au cours d’un entretien : Je dis « hum, hum » et je pense à autre chose.

Mon rêve de bonheur soignant : Il y en a plein, avoir des moyens illimités pour travailler dans les meilleures conditions. Allier soins, recherche et diffusion de l’information médicale avec des moyens modernes.

Quel serait mon plus grand malheur : Perdre les gens que j’aime.

Ce que je voudrais être (si je n’avais pas la chance d’être psychiatre !) : J’aurais bien aimé être architecte ou pianiste de jazz, passer ma vie dans les clubs underground de New York….

Le pays ou je désirerais vivre : Pour le moment, je suis dans le Comté Niçois, la France me va très bien.

La couleur que je préfère pour les comprimés : Multicolore, psychédélique, plus de 4 couleurs : comme les stylos !

La fleur que j’aime : J’aime les assortiments de fleurs, pas une fleur en particulier.

L’oiseau que je préfère : L’hirondelle

Mes peintres favoris : J’aime Caspar David Friedrich et Edward Hopper.

Mes héroïnes dans l’histoire : Marie Curie.

La réforme de santé que j’estime le plus : Souvent elles n’allaient pas dans le bon sens. Je dirai la mise en place d’une délégation polaire avec une partie du budget qui est confiée à un médecin et non pas à un directeur. C’est une mesure pilote que nous testons à Nice et qui paraît prometteuse.

Une découverte scientifique qui a une valeur particulière à mes yeux : Le prix Nobel attribué à ceux qui ont travaillé sur l’olfaction et qui ont dénombré les récepteurs.

Une rencontre qui a été déterminante sur mon cheminement en psychiatrie : Le professeur Darcourt à Nice, il était un psychanalyste de la première heure, très ouvert, très « ciselant » dans son analyse, en une phrase il vous résumait ce qui vous en avait couté dix, un personnage marquant.

Je peux inviter pour un repas à ma table qui je veux, personne vivante ou morte en choisir quatre : Elon Musk : un personnage atypique, intéressant de l’avoir à ma table, Marie Curie, Mike Jagger, Mozart. Mozart à sa table ce doit être sympa ! Dommage qu’on ne puisse en inviter que quatre !

Un film qui donne une image intéressante de la psychiatrie : Un film pas vraiment sur la psychiatrie mais qui m’a marqué sur la psychologie : Barry Lyndon de Stanley Kubrick, un homme qui ne part de rien, gravit tous les échelons de la société et qui dégringole, qui se rend compte qu’il n’est pas de ce monde et que changer de condition, ce n’est pas toujours possible dans notre société.

Comment j’aimerais mourir : Que cela ne dure pas longtemps : rapidement et sans souffrir, relax !

 

Propos recueillis par Brigitte Ouhayoun & Manon Leloup,
Paris

Illustrations, Margot Morgiève,
Paris