CFP2023
S17 – Neuropharmacologie de la Schizophrénie Résistante
Président : Arthur KALADJIAN – Reims
S17A – Stratégie d’optimisation pharmacologique des résistances
Zoubir DJERADA – Reims
S17B – Neuroimagerie de la résistance
Arthur KALADJIAN – Reims
S17C – Nouvelles perspectives pharmacologiques des antipsychotiques
Nicolas SIMON – Marseille

Les troubles schizophréniques sont classés parmi les 10 maladies entraînant le plus d’invalidité selon l’OMS. Malheureusement, parmi ces patients 20 à 30 % seront résistants aux traitements antipsychotiques utilisés en première intention. Ce symposium avait donc pour but de caractériser le profil d’imagerie cérébrale des patients résistants, de proposer des modalités de surveillance d’utilisation des antipsychotiques afin notamment d’éliminer les fausses résistances et pour finir d’ouvrir sur les perspectives thérapeutiques.

Comment définir la résistance thérapeutique ?

Les troubles schizophréniques sont un véritable fléau et constituent un enjeu de santé publique majeur tant ils impactent le fonctionnement de nos patients. Selon le TRIPP (Treatment Response and Resistance in Psychosis working group), la résistance thérapeutique se définit par une symptomatologie modérée à sévère persistante pendant au moins 12 semaines ne répondant pas à deux lignes d’antipsychotiques utilisées à bonne dose (au moins 600 mg/jour d’équivalent chlorpromazine) et pendant une durée suffisante (d’au moins 6 semaines). De plus parmi ces patients, une sous-catégorie ne va pas répondre à la clozapine (qui est le traitement de référence en cas de résistance) et seront donc décrits comme ultrarésistants. Un point important souligné par les trois conférenciers de ce symposium est la nécessité d’éliminer les fausses résistances thérapeutiques causées par une exposition insuffisante aux traitements (dûe à une mauvaise observance mais aussi par une dose insuffisante de traitement). Ces deux éléments mettent en avant la nécessité de réaliser des dosages sanguins des traitements afin de monitorer la dose administrée. Parmi les facteurs pouvant faire varier la concentration, on peut retrouver l’âge, l’origine ethnique, les interactions médicamenteuses, mais également les polymorphismes génétiques.

Peut-on mélanger tous les patients résistants ?

Vous imaginez bien que si c’était le cas, cela serait trop simple et nous ne nous serions pas attardés sur cette question… En effet, plusieurs origines à la résistance thérapeutique existent et peuvent être regroupées en deux grands sous-groupes : les résistances dites constitutives (c’est à dire présentes dès le départ) et les résistances dites acquises (apparaissant au cours du temps). Et pour continuer de complexifier les choses au sein de ces deux catégories on pourra retrouver plusieurs hypothèses physiopathologiques comme par exemple les causes génétiques, les anomalies de la synthèse ou de fixation de la dopamine pour les résistances constitutives mais également des anomalies de la dimérisation ou encore une hypersensibilité des récepteurs D2 pouvant être source de résistance acquise.

Que nous raconte le cerveau des patients atteints de schizophrénie résistante ?

Certaines études se sont en effet intéressées à la différence entre l’IRM anatomique des patients atteints de schizophrénie résistante par rapport au patients atteint de schizophrénie. Il semble que des diminutions plus importantes de l’épaisseur corticale au niveau préfrontal, temporo-pariétal ainsi que du cortex cingulaire postérieur soient plus marquées chez les patients résistants. Une autre étude montre que par rapport aux sujets sains, l’atteinte de certaines zones telles que le sillon temporal droit ainsi que le cortex orbitofrontal droit latéral seraient plus spécifiques des patients atteints de troubles résistants. A ce jour, il existe très peu de données concernant les patients ultrarésistants mais une étude retrouve cependant une diminution du volume de certaines zones cérébrales. Au niveau fonctionnel, des différences de connectivités ont également été mises en évidence chez les patients résistants au niveau du réseau par défaut. Enfin, une absence d’hyperdopaminergie striatale pourrait être source d’une résistance thérapeutique aux antipsychotiques.

Quelles perspectives thérapeutiques pour ces patients résistants ?

Tout n’est pas perdu pour ces patients !!!! Partant de l’hypothèse que les patients présentant une résistance aux traitements antipsychotiques pourraient avoir une physiopathologie différente des autres, de nouvelles thérapeutiques en cours de développement ne ciblant pas le système dopaminergique montrent des résultats très prometteurs. Nous pouvons notamment évoquer les agonistes de la Trace Amine-Associated Receptor 1 (TAAR1) modulant la voie GSK3 via les ß-arrestines. Une première étude montrait une supériorité de cette molécule contre placebo chez des patients atteints de schizophrénie. Une autre piste actuellement explorée est la piste des agonistes muscariniques M1 et M4 (Xanomeline) associés à un antagoniste périphérique muscarinique (Trospium) limitant les effets secondaires périphériques a également montré une supériorité contre placebo dans une étude de phase II.

En conclusion, compte tenu de leur prévalence, la prise en charge des patients atteints de schizophrénie résistante est un casse-tête quotidien pour les psychiatres. Cependant, l’ensemble des travaux menés actuellement dans ce domaine est porteur d’espoir, tant au niveau d’une meilleure caractérisation de ces résistances, qu’au niveau de nouvelles pistes thérapeutiques innovantes qui nous permettront peut-être un jour d’oublier nos vieux antipsychotiques…

 

Bruno Roméo
Villejuif