CFP2023
JPPA4 – Hallucinations et trouble des perceptions chez le sujet âgé : du rêve éveillé au traitement halluciné

Présidente : Cécile HANON – Issy-les-Moulineaux
Intervenants : Emmanuel LELEU – Antony, Christophe BOUCHÉ – Paris, Maxime PACE – Paris

Et si les hallucinations dans les pathologies neurodégénératives étaient en réalité une sorte de sixième sens aiguisé pour combler les trous d’une mémoire lacunaire ? Et s’il y avait du sens à prendre en soin la sensorialité pour prévenir les troubles cognitifs ? Et si on hallucinait pour guérir ?

C’est pour répondre à ces questions que cette conférence prend tout son sens et nous permet de voir au-delà du visible.

C’est du délire !

Est-ce du délire de prescrire des psychotropes dans les pathologies neurodégénératives ? Avant d’aller jusque-là, Emmanuel Leleu nous fait part des nouvelles recommandations quant au traitement des hallucinations dans les maladies d’Alzheimer et apparentées. Et le traitement des troubles psychotiques dans ces maladies n’est pas à prendre à la légère car ils pèsent leur poids. Un poids dans la charge de l’aidant, financière et psychologique, mais aussi dans le coût au sein du système de santé. D’une manière globale, en ce qui concerne la prescription médicamenteuse, autant dire qu’il faut commencer par se référer au standard DICE. DICE comme Décrire, Investiguer, Cocréer, Évaluer. À partir de là, le traitement peut intervenir lors d’un risque urgent avec un traitement immédiat mais, dans le cas où le temps d’investiguer est présent, cette prescription médicamenteuse interviendra sous plusieurs conditions : l’impact sur le patient, le retentissement sur le patient et/ou les aidants et la non-réponse aux techniques non-médicamenteuses. Car oui, des preuves d’efficacité existent et il faut avoir le bon sens d’elles aussi les considérer, que ce soient les techniques de massage de la main, l’art-thérapie ou la musicothérapie. Et quand les conditions sont remplies, se pose le choix de la molécule. Au premier niveau les ISRS avec notamment l’intérêt démontré du citalopram, au deuxième niveau les antipsychotiques atypiques dans le cas d’une prescription en urgence ou de retentissement anxieux important avec l’aripiprazole et la rispéridone. Et si d’autres solutions existaient et d’autres routes pouvaient être envisagées ? Car, à en regarder les modèles explicatifs des hallucinations visuelles dans les troubles cognitifs, les délires ne sont peut-être au final qu’une reconstruction d’une mémoire oubliée. Et si le patient par le délire essayait juste de donner du sens là où il n’en a plus et que les psychotropes, en ce sens, n’étaient pas la seule solution à envisager ?

Remboursé !

Ce mot, dans le cas de troubles sensoriels, fait résonner en nous la réforme 100 % santé visant à garantir l’accès à des soins de qualité et à des équipements optiques et auditifs sans reste à charge. Et ce remboursement parle à Maxime Pace qui intervient sur les troubles neurocognitifs et la sensorialité et qui nous alerte sur le fait que les troubles auditifs, visuels et olfactifs sont liés à un risque accru de développer des troubles neurocognitifs. Concernant le sens qui se sent, non plus à plein nez mais plutôt en mode déformé dans les pathologies neurodégénératives, il serait plutôt l’œuf que la poule dans ce cas et donc dû à la maladie elle-même, qu’elle se nomme Maladie d’Alzheimer ou de Parkinson. Les troubles visuels, plutôt à l’image de la poule, représenteraient quant à eux un facteur de risque de troubles neurocognitifs et la récupération visuelle permettrait de le réduire. Il en est de même pour les troubles auditifs pour lesquels plusieurs hypothèses co-existent : parmi elles, celle de la baisse du signal de l’entrée auditive entrainant une atrophie corticale ou encore de l’effort d’écoute qui entrerait en compétition avec les autres fonctions cognitives supérieures. Mais, en plus de présenter un risque de démence, est-ce que la perte auditive peut nous rendre déprimés ? Ce lien n’est pas aussi clair et démontré mais il est en revanche bien mis en évidence que les troubles auditifs vont générer un isolement social et une réduction des activités pouvant favoriser la survenue d’une dépression. Le remboursement des aides auditives et visuelles apparait donc essentiel et sa mise en place depuis le 1er janvier 2021 nous laisse espérer une réduction globale des risques. Parce que, oui, une bonne prise en charge auditive et visuelle c’est important !

Une bonne descente de Guiness

Non vous ne délirez pas, il ne s’agit pas d’Hagrid mais bien de Christophe Bouché qui ne va pas nous parler de bière au beurre mais plutôt des bienfaits de l’hallucination dans la guérison. Et les psychédéliques, par un autre rapport à nous-même et à notre corps, sont un moyen d’atteindre cette hallucination possiblement guérisseuse. Pour reprendre les propres termes de notre conférencier, nous voilà donc dans un « autre état modifié de la conférence » entre Harry Potter et Sixième sens, entre magie du Powerpoint et questionnement sur les bienfaits d’une sensorialité hallucinée. Les sensations irréelles permises par les produits psychédéliques pourraient ainsi, en plus de garantir la paix dans le monde si les politiques en prenaient, avoir un intérêt au niveau médical. En effet la recherche a permis de mettre en évidence que les psychédéliques, et notamment le LSD et la psilocybine, peuvent changer positivement la perception que le patient a du monde et de lui-même. L’expérience mystique produite contient ainsi une dose de spiritualité qui est liée à l’efficacité thérapeutique de ces substances. Et l’intérêt ne se limite pas là, car, de la même façon qu’une sensorialité diminuée peut générer des troubles cognitifs, les substances psychédéliques avec sensorialité exacerbée pourraient améliorer la neuroplasticité. Mais attention, si elles peuvent être comparées à des médicaments surpuissants, l’accompagnement est d’autant plus important. Car l’accompagnement pourrait déterminer l’efficacité autant que le produit et devrait ainsi être au premier plan de la prise en charge.

Entre sens exacerbés, diminués et compensés on en vient à perdre le nord et à se poser des questions sur le fait que notre réalité soit bien sensée.

 

Auriane Gros
Nice