CFP2023
R02 – La génétique en psychiatrie : doux rêve ou réalité ?

Modérateur : Romain REY – Bron
Expert : Boris CHAUMETTE – Paris

À Gattaca, on nous annonçait que dans un futur proche notre ADN déterminerait tout ce que nous serons. Qu’une minuscule goutte de sang, de salive ou qu’un seul cheveu décideraient de ce que l’on pourrait accomplir. Là où chaque cellule de votre corps peut vous trahir, Gattaca apparaissait comme un lieu où il serait impossible de nous cacher des dangers du séquençage. Et si nous étions déjà à Gattaca mais que ce futur, pas si hypothétique, représentait en réalité une réelle opportunité pour une psychiatrie de précision ?

La révélation génétique

L’exploration génétique en psychiatrie : doux rêve, réalité, futur lointain hypothétique ou cauchemar de Gattaca ? C’est par cette question que notre expert, Boris Chaumette, nous souhaite la bienvenue dans son monde où la génétique n’a rien de futuriste. Si Gattaca semble présent dans certaines réponses des participants qui indiquent l’exploration génétique comme un cauchemar, c’est en se référant à l’humain que notre expert souhaite nous convaincre du contraire. Deux cas cliniques, deux histoires différentes pour un intérêt commun de test génétique pour le patient et pour son entourage. Que ce soit pour cet homme de 28 ans, présentant une anxiété généralisée et une déficience intellectuelle légère pour lequel une mutation du gêne MMACHC a pu être identifiée, ou pour cette femme de 19 ans ayant fait des crises épileptiques et un épisode dépressif sévère pour laquelle une délétion 22Q11 a été retrouvée, les données génétiques ont permis de les considérer dans leur globalité et de personnaliser leur traitement mais pas que… Pas que, car, contrairement à Gattaca, la révélation des informations génétiques ne génère pas de l’éloignement ou du conflit avec l’entourage mais, au contraire, un soulagement par une meilleure compréhension du trouble, et parfois une déculpabilisation voire une prise de décision pour son propre futur.

La génétique pour tous ?

Si à Gattaca, le bilan génétique est obligatoire pour tous, identifiant les risques d’affections neurologiques, de psychoses, de troubles cardiaques, allant jusqu’à prédire l’espérance de vie, ici les tests génétiques ne doivent pas discriminer mais permettre d’adapter les traitements pour, à l’inverse, équilibrer les chances. Alors, contrairement à Gattaca, les tests génétiques doivent reposer sur des critères laissant supposer une maladie génétique qui permettraient de mieux la détecter pour mieux la traiter. Parmi ces critères, la prise en compte du neurodéveloppement et de l’enfance est primordiale. À côté de la résistance aux traitements, la présence d’un début précoce et de troubles des apprentissages sont des éléments clefs à prendre en compte. Mais sont-ils les seuls ? Et d’autres critères majeurs, comme de précieux mystères, ne sont-ils pas encore mis à jour ? Des projets de recherche émergent et ont pour objectif de répondre à ces questions avec une idée en tête : évoluer vers une médecine de précision.

Sortir de l’erreur et de l’errance

Loin de Gattaca, la pratique clinique en termes de traitements repose souvent sur un schéma essai-erreur consistant à traiter et à modifier le traitement en cas de mauvaise réponse par le patient. La pharmacogénétique, tout aussi loin de Gattaca mais dans une approche davantage futuriste, vise à savoir en amont quelle dose est adaptée pour le patient et de repérer s’il est à risque d’effets secondaires. Le séquençage de l’exome permet ainsi d’avoir un profil pharmacogénétique du patient et d’obtenir un rapport sur la vitesse de son métabolisme qui guidera la décision de la dose de départ et de la molécule adaptée au patient. Et, même si cette donnée n’est pas la seule et doit s’intégrer dans une approche globale intégrant des informations telles que le poids ou le régime alimentaire, elle doit pouvoir être envisagée dès les premiers temps de la prise en charge. En effet, plus la prise en compte pharmacogénétique sera précoce plus les risques d’effets secondaires seront limités et plus le patient sera engagé dans son soin car confiant face à celui-ci.

La pharmacogénétique n’est donc pas un doux rêve mais bien une réalité à intégrer dans sa pratique en rêvant à un futur pas si éloigné qui verra peut-être naître des jumeaux numériques pour l’aide à la décision du dosage médicamenteux ou encore des guidelines sur les critères à évaluer lors du choix d’établir un séquençage.

Loin de la dernière séquence ou de la dernière séance, la génétique nous ouvre des portes pas si imaginaires et nous laisse rêver à d’autres voies cliniques à explorer. Alors soyons réalistes et ouvrons les possibles !

 

Auriane Gros
Nice