CFP 2022

D11 – Le dévoilement de soi est-il le propre du pair-aidant dans une équipe de psychiatrie ?

Le dévoilement de soi, un interdit dans un service de soins ? Qui devrait se dévoiler, que dévoiler et comment ? Autant d’interrogations que d’espoirs pour penser une nouvelle donne de la relation de soins : vers plus de symétrie ? Le débat entre Lee Antoine (pair-aidant professionnel) et David Masson (médecin psychiatre) permet de revenir sur cette notion qui pose bien des questions.

Juste une mise au point…

Se dévoiler… Si l’on feuillette le Larousse il s’agirait de « Laisser voir ce que l’on voulait cacher ». Quant à ce qu’est un pair-aidant, il y a l’idée d’un processus d’entraide, de transmission de vécu quant à la maladie et d’histoire de son rétablissement. Assez intuitivement donc, le dévoilement de soi apparait comme une compétence propre au pair-aidant : il est là pour échanger et apporter son expérience au service d’une personne qui vit une situation similaire.

Un jeu d’équilibriste

Se dévoiler, ok, mais avec style. Comme le réaffirme Lee Antoine, en tant que pair-aidant, faut-il porter une blouse ? Porter ses vêtements classiques ? L’apparence vestimentaire, part de notre identité, joue un rôle évident dans ce que l’on transmet aux autres. Se pose ensuite la question du lieu au sein duquel se dévoiler : faut-il rester dans l’enceinte du service de soins ? Profiter d’une balade dans un parc ? Le choix du lieu n’est évidemment pas sans lien avec le degré de formalité choisi pour échanger. Le pair-aidant doit-il en effet réaliser des entretiens informels ou formels ? Enfin, il s’agit d’un véritable jeu d’équilibriste : entre donner de l’espoir au début du parcours, soutenir, et accompagner en suivant l’évolution de la maladie, il ne faut pas non plus trop en faire. En somme, le dévoilement de soi côté pair-aidant se résumerait à livrer une partie de soi, de son expérience et de son vécu jusqu’à provoquer un effet de résonnance chez le patient. Finalement, le pair-aidant a-t-il le droit de NE PAS se dévoiler ? N’y a-t-il pas d’autres professionnels au sein d’une équipe de psychiatrie qui devraient faire de même ?

Et les psychiatres alors ?!

Comme le signalait très explicitement David Masson, se dévoiler n’est pas chose promue dans les études de médecine : souvent, c’est même déconseillé. La relation soignant – soigné, de ce point de vue, réaffirme alors une dissymétrie en termes de savoir de l’expert, de pouvoir et d’expression émotionnelle. L’arrivée des pairs-aidants dans les services de soins semble rebattre les cartes du jeu en ouvrant une réflexion sur le dévoilement du psychiatre. Si le psychiatre n’a pas l’expérience de la maladie comme l’a le pair-aidant (il peut l’avoir bien sûr, mais il est psychiatre, non pas pair-aidant), cela n’empêche en rien le dévoilement de soi. Le professionnel peut rapporter des expériences vécues avec d’autres patients par exemple, ou même, parler d’expériences personnelles. Le dévoilement de soi côté psychiatre permettrait alors d’améliorer l’alliance thérapeutique, de soutenir une décision partagée et par là même, diminuer l’asymétrie de la relation soignant – soigné. Le dévoilement de soi semble n’être pas uniquement réservé aux pairs-aidants et participe donc d’un travail en équipe. Toutefois, si cette notion offre de beaux espoirs quant à l’évolution vers une relation de soins moins verticale et basée sur l’expérience, l’échange et le partage, de nombreuses questions se posent. Il s’agirait alors de formaliser et de cadrer un peu plus le dévoilement de soi, afin d’en esquisser plus simplement les contours. Se dévoiler ou ne pas se dévoiler, la question serait de savoir comment.