S05 – Vers une redéfinition de la nosographie grâce aux neurosciences ?

Si Sancho le Cubain met le feu aux poudres, nos orateurs ont en commun avec lui le fait d’aimer le tempo et les récompenses pour secouer les classifications en psychiatrie. Et pour démêler les troubles, les billets de banque et le rythme de Sancho peuvent être un atout pour faire tomber le masque des sous-groupes de patients.

 

Points forts :
– Arracher le masque par la mise en évidence de clusters.
– Dévaliser la banque pour différencier les sous-types I et II des troubles bipolaires.
– Monter le son pour le pronostic et la prise en charge dans la schizophrénie.

Une métaphore n’a pas de sens littéral

Et c’est bien d’une métaphore que nous faisons usage ici en référence aux sous-groupes de patients et au masquage des effets qu’ils peuvent induire. Aussi, c’est à visage découvert que Josselin Houenou introduit ce symposium sans détour en présentant le flou ambiant dans la classification des troubles dans la schizophrénie, les troubles bipolaires et les troubles du spectre autistique. Si deux approches, dimensionnelle et biologique, peuvent être utilisées pour apporter plus de clarté dans cette complexité, il nous présente plus spécifiquement l’intérêt de la découverte de sous-groupes biologiquement pertinents. Par l’exemple de l’ocytocine, il dévoile le principe de masquage des effets des interventions thérapeutiques sans catégorisation préalable en sous-groupes. Ainsi, il met en évidence le fait que certains traitements qui ne passent pas la phase 3 seraient considérés à tort comme inefficaces car ne fonctionneraient que sur un sous-groupe particulier de patients et non sur l’ensemble de la population d’étude. En partant de cette idée, le problème pourrait venir, dans certains cas, de l’absence de catégorisation préalable en sous-groupes et non de l’efficacité du traitement en lui-même.

Plutôt que de définir arbitrairement des sous-groupes, il propose une autre façon de procéder en utilisant le machine learning pour classer les sujets. Que ce soit par des analyses en composantes principales, des classifications hiérarchiques, ou des k-means clustering, c’est en établissant des clusters de sujets qu’il compte démasquer différents sous-groupes de patients.

En présentant différentes études, américaine, chinoise et canadienne, il dévoile la possibilité d’établir des biotypes de patients se caractérisant par un déficit ou non neuropsychologiquement ou anatomiquement. Ces classifications, même si elles ne recoupent qu’en partie le diagnostic clinique, peuvent mettre en évidence des différences cliniques et pourraient être plus utiles que les classifications actuelles pour atteindre la finalité ultime : mettre en place une prise en charge adaptée.

La caisse est vide, vous arrivez un peu tard.

Mircea Polosan, fait un arrêt à la banque, non pas pour démontrer que quand on veut être chic il faut avoir du fric, mais pour mettre en évidence l’intérêt de la sensibilité à la récompense pour diviser les troubles bipolaires. Pour séparer les troubles bipolaires de type I et II, il porte un regard dimensionnel axé sur le RDoC (Research Domain of Criteria) et s’interroge sur le principe d’hypersensibilité à la récompense dans les troubles bipolaires.

En utilisant une tâche d’apprentissage par renforcement et en y ajoutant une dimension probabiliste, il présente des travaux qui ont cherché à calculer le biais de récompense en différenciant l’efficacité d’une condition d’apprentissage en fonction d’une récompense ou d’une punition. Le principe était de vérifier si certains patients sont plus sensibles à la condition d’apprentissage quand leur compte s’épargne ou se dévalise.

Par un principe de gains et de pertes selon une approche computationnelle, il démontre non pas une hypersensibilité mais plutôt une sensibilité émoussée à la récompense dans l’apprentissage chez les patients bipolaires par rapport aux témoins. La punition serait quant à elle plus efficace pour différencier les sous type I et II des patients avec une moins grande efficacité du sous-groupe II dans l’évitement de la punition que le sous-groupe I.

Et si le fric nous rendait davantage précis que chic ?

Ça roupille, je vais vous secouer tout ça.

Au-delà des ambiances, le son peut aussi secouer nos habitudes en clinique. Et pour animer cette conférence, Clément Dondé nous présente l’intérêt du son et des mesures auditives dans la médecine de précision.

Si l’intérêt pour la sensorialité, et notamment des aspects visuels, a l’ancienneté d’une valse, il a fallu attendre les airs d’Iggy Pop et The Stooges pour étudier la perception auditive. De la même manière, à notre époque, les études sur les déficits sensoriels sont nombreuses comme les airs électro, mais les études qui montrent que ces mesures peuvent aider à la différenciation de sous-types ont la rareté des airs classiques.

Et pourtant, notre expert nous démontre à nouveau qu’il ne faut pas oublier nos classiques, en présentant l’intérêt d’une “Tone Matching Task” basée sur la comparaison précoce entre deux sons simples. Dans la schizophrénie, cette tâche permettrait de diviser les patients en deux groupes, un impacté au niveau auditif et l’autre non. Au niveau clinique, les patients avec déficits auditifs seraient plus impactés par leurs troubles que ce soit en termes de nombre d’hospitalisations ou de fréquence de comorbidités. Concernant la prise en charge thérapeutique, les études montrent que les patients du groupe avec déficit auditif répondent mieux à la remédiation cognitive alors que ceux sans déficit répondent mieux à la tDCS.

Que ce soit également pour la prédiction de la réponse premier épisode psychotique ou pour mettre en évidence les patients à ultra haut risque de psychose, un air et une nouvelle ère s’imposent : l’inclusion des mesures sensorielles pour l’identification du pronostic et du choix thérapeutique.

Quand la redéfinition de la nosographie a l’effet d’un masque de jeunesse cosmétique sur les classifications et les pratiques, seul un mot s’impose cette fois : Sssssplendide !