S01 – Avancées récentes dans la Psychiatrie de Précision des troubles de l’humeur

Comme si Hergé nous le contait, ce symposium nous fait prendre le train avec de savants explorateurs pour un passionnant et fructueux voyage au cœur de la Psychiatrie de Précision et à la découverte de territoires fort peu connus.

Points forts :

– Tintin et Milou, Psychiatrie de Précision et traitement humain : les deux vont de pair.
– Qui a peur de Rascar Capac ? Les différentes complications de l’inflammation et ses atouts dans la stratification des patients.
– Les Dupondt resteront des Dupondt : les cytokines viennent à l’aide des cliniciens et de la clinique dans la distinction entre dépression et troubles bipolaires.

Voilà, c’est maintenant.

Que ce soit par un temps précis qui déclenche le réveil des savants ou par une boule de cristal en fragments, Edouard Vieta est en quête de précision.

C’est en Espagne, en direct de Barcelone, que notre exploration commence. Et ce n’est pas à l’expédition des Andes que ce leader mondial des troubles bipolaires nous embarque, mais en direction de nouvelles voies, vers une médecine personnalisée appliquée à la santé mentale.

Les outils de cet explorateur d’un nouveau type ne ressemblent en rien à un pendule ou une boussole mais relèvent davantage des technologies digitales, de l’Intelligence Artificielle, des biomarqueurs ou encore du partenariat patient. Car la « New Psychiatry » ne se réduit pas à de nouveaux outils mais se veut précise et surtout personnalisée. Dans cette quête « Hergé-esque » le but d’Edouard Vieta est donc de trouver le bon traitement pour le bon patient. Utilisation de la pharmacogénétique pour la réponse aux traitements dans la dépression, identification des variants génétiques associés à la réponse au lithium dans les troubles bipolaires, monitoring par smartphone pour la prévention des risques suicidaires et l’adaptation du traitement, ces nouveaux outils d’une psychiatrie de précision ne pourront que faire frémir de peur les momies maudites qu’elles soient de Raspar ou de Capac.

Si certains capitaines ou généraux, Haddock ou Alcazar, voient en cette médecine une robotisation, une réduction de l’humanisation du soin, notre guide Vieta rappelle qu’une exploration ne peut se faire sans explorateur tout comme les nouvelles techniques et technologies ne peuvent remplacer la relation clinicien-patient qui sera, de tout temps, essentielle. Et si la vraie découverte était que la psychiatrie de précision et le traitement humain vont de pair et sont l’essence de la psychiatrie personnalisée ?

La foudre en boule

Ces boules de feu, cascades en série de phénomènes inflammables ou inflammatoires, auraient pu intéresser Ryad Tamouza qui explore les marqueurs de l’inflammation en psychiatrie. Bien qu’elles soient rares d’apparition, à l’inverse de l’inflammation de bas niveau observée dans la plupart des maladies psychiatriques, les boules de feu ont en commun avec les processus inflammatoires d’être la clef d’une énigme, de Hergé ou de stratification en immuno-psychiatrie. Et si elles sont la résultante de deux facteurs, réaction entre la silice et le carbone, l’inflammation de bas niveau résulterait de l’interaction complexe entre facteurs génétiques et environnementaux.

L’inflammation, tout comme la boule de feu, pourra se traduire par différentes complications :
– la foudre touche le sol : l’activation du rétrovirus humain endogène qui, intégré dans le génome de façon morcelé, pourra se reconstituer à la suite d’un épisode infectieux ou stressant,
– le développement de la boule de feu : la rupture de la tolérance à soi avec l’apparition de psychoses auto immunes et la présence d’anticorps anti NMDA-R du sérum des patients schizophrènes modifiant le fonctionnement des récepteurs,
– l’élévation du Pr Tournesol : l’apparition d’un syndrome métabolique, fréquent dans les maladies psychiatriques mais peu détecté ou peu traité, et pouvant avoir une signature immuno-clinique prédictive dans la schizophrénie,
– le retour à l’envoyeur : la résistance au traitement dans la schizophrénie par effet de l’inflammation empêchant le traitement d’agir et associée à une forte élévation de Protéine C Réactive.

Enfin, l’ensemble des découvertes de Ryad Tamouza et de son équipe nous permettent d’avancer encore dans notre quête de médecine de précision, que ce soit pour distinguer les bons et mauvais répondeurs au lithium dans les troubles bipolaires via les allèles HLA (Human Leukocyte Antiegn) ou de mettre en évidence que l’haplotype HLA-8.1, protecteur dans la schizophrénie, peut devenir à risque dans les troubles bipolaires.

Je fais feu ! On ne sait jamais.

Comme Dupont et Dupond ne peuvent oublier leur métier de policier, Raoul Belzeaux rappelle son statut et son rôle de clinicien au sein de cette quête de précision. La clinique sera toujours de la clinique comme les Dupondt resteront des Dupondt, mais de nouveaux challenges se présenteront au cours de nouvelles aventures. Et dans le cadre de ces nouveaux enjeux diagnostiques, faire feu sur les marqueurs inflammatoires peut prendre tout son intérêt. Ainsi, dans les troubles bipolaires, pour lesquels le diagnostic est souvent retardé, les cytokines sont présentées comme une voie d’amélioration du diagnostic de par l’impact du système immunitaire et la prévalence des troubles inflammatoires plus importants dans le trouble bipolaire que la dépression, et la possibilité à moindre coût d’effectuer leur dosage. Mais, que ce soit dans la médecine de précision ou dans les explorations d’Hergé, il peut demeurer des zones grises. Les zones grises des tests associant données cliniques et dosage des cytokines trouveront leur issue dans leur déplacement ou leur réduction par modification du taux de probabilité diagnostique recherché, dans la décision de populations éligibles ou non à ce type de tests ou encore par une modification de l’objectif de certitude diagnostique par une certitude phénotypique.

Et si une nouvelle version de la psychiatrie était en route… A vos boules de cristal !