S13 – Prise en charge de la dépression résistante : et si on passait à l’électrique ?

En ville, exit le diesel, place à l’électrique et à l’hydrogène !

Et en psychiatrie ? Fini les psychotropes, place à la stimulation électrique ? Nous dirigeons-nous vers des Zones de Faible Emission psychotropique… ?

Les approches par stimulation électrique et magnétique en psychiatrie, notamment pour le traitement de la dépression résistante, ont indéniablement évolué ces dernières années…

Ainsi, l’électroconvulsivothérapie (ECT), qui conserve encore un très haut niveau de preuve (grade 1) dans le traitement de la dépression résistante, voit son utilisation évoluer en routine clinique : elle peut être utilisée de manière uni-temporale, pour diminuer notamment les effets délétères au plan cognitif chez la personne âgée, ou bien de manière combinée à d’autres approches électriques ou magnétiques (tDCS, rTMS,…). Comme l’explique Anne Sauvaget, une équipe Rouennaise propose d’initier la prise en charge de la dépression résistante par 5 séances de rTMS en amont de la cure d’ECT, permettant d’obtenir une réponse thérapeutique plus rapide avec un seuil de déclenchement des crises convulsives abaissé. Elle débute également sur Nantes, le projet « Limonade » ou l’utilisation de la tDCS (stimulation transcrânienne à courant direct) dans la prise en charge de la dépression résistante de la personne âgée en EHPAD (20 sessions à raison de 2 séances quotidiennes de 30 minutes pendant 10 jours). Cette approche, dont les résultats ne sont pas encore connus, permettrait d’obtenir une réponse thérapeutique associée à un effet pro-cognitif et une diminution des posologies de psychotropes.

Combinaisons magnétiques

Les techniques de stimulation magnétique sont également en forte évolution, nous dit David Szekely : dans les recommandations de 2016, la rTMS, dans sa modalité deep-Haute fréquence-TMS, présentait un fort niveau de preuve dans la dépression (grade A) (et des niveaux plus bas pour les autres modalités), à condition de proposer au moins une vingtaine de séances (à raison d’une séance quotidienne minimum). Le bénéfice doit habituellement apparaître dès la 10e séance, après stimulation initialement unilatérale au niveau du cortex préfrontal dorsolatéral. Une stimulation bilatérale ou bien à basse-fréquence constitue davantage une option de seconde ligne.

Depuis, de nouveaux développements ont été apportés, avec l’obtention de bons résultats obtenus avec la technique dite theta burst, permettant des séquences de stimulation très courtes (3 minutes), l’apparition de nouvelles sondes de stimulation donnant accès aux structures plus profondes (notamment les régions des circuits de la récompense). Dans l’étude SAINT (étude en ouvert), les auteurs ont évalué un protocole (certes un peu lourd…) de 10 séances, chaque séance durant 10 min, par jour pendant 5 jours, permettant d’obtenir 90 % de rémission dès le 5e jour ! Mieux que n’importe quel super chargeur de chez Tesla ?! Au final, que retenir ? : intérêt de la rTMS « conventionnelle » dans les dépressions peu sévères, peu pharmaco-résistantes et intérêt des combinaisons de traitements magnétiques en protocole hyper-intensifs dans les dépressions très sévères et très résistantes.

Précision vague

Allons encore plus loin (plus profond en l’occurrence) avec la présentation de Philippe Domenech sur les techniques de stimulation invasive (stimulation du nerf vague VNS et stimulation cérébrale profonde DBS). La VNS, nécessitant une courte intervention chirurgicale au niveau cervical, a montré une réponse thérapeutique satisfaisante dans la dépression, mais d’apparition lente (ce n’est pas un traitement incisif…), souvent dans l’année suivant le début du traitement, avec un bénéfice similaire quel que soit le type de dépression (uni ou bipolaire) et de meilleurs résultats chez les sujets avec antécédent de bonne réponse à l’ECT. Des effets secondaires sont certes possibles et réversibles immédiatement après changement du réglage de la stimulation (modification de la voix quand le stimulateur se déclenche, picotements dans la gorge). En ce qui concerne la DBS, l’efficacité retrouvée était modeste dans les premiers travaux publiés, puis les études plus récentes se sont avérées plus prometteuses, avec l’arrivée, comme pour la rTMS, de techniques optimisées, telles la stimulation du Medial Forebrain Bundle permettant une décharge dopaminergique massive au niveau du cortex préfrontal associée à une amélioration clinique dès la première semaine et un taux de rémission de 50 %, ou encore la stimulation en boucle fermée, encore au stade très expérimental, (stimulation simultanée avec 10 électrodes) permettant la stimulation du striatum ventral de manière élective à la réponse perçue au niveau amygdalien.

L’électricité est-elle l’avenir de la dépression ? En ces temps difficiles, propices à la résistance et à la dépression résistante, où une guerre chasse un virus, dans un climat mondial tendu entre les personnes et les peuples, Nikola Tesla avait probablement raison en écrivant : « Si votre haine pouvait être transformée en électricité, cette dernière éclairerait le monde entier » !