CFP2023 Edito Thérapeutiques

L’innovation thérapeutique est-elle le doux rêve d’une psychiatrie encore en sommeil ? Bien au contraire, le programme du CFP 2023 nous démontre que notre spécialité poursuit sa métamorphose, se nourrissant des révolutions scientifiques et des mutations sociétales contemporaines. Ces innovations thérapeutiques (du grec therapeutikós, « curatif ») s’inscrivent dans une nouvelle dynamique de dialogue entre la pharmacologie et la psychothérapie, entre l’idiosyncrasie organique et la subjectivité psychologique, au service d’une psychiatrie de demain plus efficace, plus humaniste, et véritablement intégrative.

L’avenir sera numérique, ou ne sera pas !

Le numérique, c’est comme la politique : il nous divise, nous pousse à prendre des positions, souvent pour des raisons qui nous échappent. Dans cette session (S19), Margot Morgiève, Frank Bellivier et Gaétan Absil nous projetteront dans une psychiatrie numérique naviguant entre rêves technophiles et cauchemars technophobes. On y découvrira les résultats de l’étude européenne IT4anxiety explorant pour la première fois les pratiques numériques des patients, familles, et soignants autour de la gestion de l’anxiété, et on observera comment ces nouveaux habitus digitaux se confrontent à nos ancestrales traditions psychiatriques. Ils feront dialoguer nos espoirs et nos peurs face à ces bouleversements digitaux, nourrissant cette tension nécessaire entre critique technologique et adoration béate de nouvelles idoles numériques.

Débriefe-moi le débriefing !

Vous avez vaguement entendu parler du débat féroce opposant les partisans et les détracteurs du « débriefing » après un événement traumatique, mais vous ne saisissez pas pourquoi cette pratique déchaine tant de passions ? Vous comprendrez tout dans la session autour de la prise en charge aiguë du psychotraumatisme (FA14) qui nous rappellera également la manière dont la pharmacologie peut être utilisée de manière synergique avec la psychothérapie, différenciant les cognitive enhancers pour consolider l’extinction de la mémoire traumatique (cyclosérine, yohimbine, glucocorticoïdes), les memory disrupters pour le blocage de reconsolidation mnésique (propranolol), et les therapy facilitators favorisant le travail psychothérapique (MDMA, ocytocine). Ces pratiques dans le champ des « psychothérapies augmentées » offrent de nombreuses promesses pour mieux comprendre le lien entre les processus psychothérapeutiques et l’efficacité biologique des traitements du psychotraumatisme.

Le « trip » est-il la clef des psychédéliques ?

Est-il encore possible de faire un congrès de psychiatrie sans parler de psychédélique ? Objet central de la contre-culture, le psychédélisme hippie, disruptif, festif, mystique laisse la place à un « psychédélisme savant », l’arrimant progressivement à nos pratiques thérapeutiques. Cette transmutation du champ du psychédélique sera explorée par David Dupuis (R10) et Laurent Karila (R01), qui dessineront pour nous les pistes prometteuses à suivre et les principes à respecter pour éviter le risque d’une nouvelle excommunication thérapeutique. L’un de ces chemins passe par une meilleure compréhension des mécanismes expliquant leur efficacité clinique, tant du point de vue cognitif que biologique. Pour y répondre, la section médecine psychédélique de l’AFPBN interrogera le rôle du « trip » dans l’efficacité antidépressive de ces molécules (D08), tandis que l’implication des effets anti-inflammatoires sera explorée par Bruno Aouizerate et Emmanuel Haffen (D09). Enfin, les principes des psychothérapies « assistées » par psychédéliques seront détaillées avec leurs mécanismes psychologiques dans la dépression, l’anxiété de fin de vie, et en addictologie (S10).

Opioïdes, du cauchemar aux rêves ?

Face au fléau mondial de la dépression et du suicide, quelles sont les autres pistes pharmacologiques ? Les espoirs « opioïdes » de la recherche en psychopharmacologie seront présentés, dénouant l’appréhension légitime généralement associée à ces molécules, en montrant la manière dont nous pouvons les intégrer dans nos pratiques thérapeutiques (S06). Plusieurs travaux ont montré une dysrégulation du système opioïdergique chez les patients déprimés et suicidants, en résonnance avec la sémiologie de « douleur morale ». Considérant les affinités phénoménologiques et neurologiques de la douleur physique et morale, ils interrogeront l’utilisation de ces molécules antalgiques dans la dépression, en perspective avec l’efficacité clinique de la kétamine dans l’hypersensibilité nociceptive. Ces recherches, en plus d’ouvrir des perspectives d’innovation thérapeutique fascinantes, offrent une grille d’explication organique à la symptomatologie douloureuse de la dépression, unifiant subjectivité en première personne et savoirs neuroscientifiques sur le trouble.

Halte aux antipsychotiques ?

L’avenir du traitement de la schizophrénie sera-t-il anti-dopaminergique ? Un pas de côté pharmacologique sera proposé dans une session (FA20) dédiée aux molécules adjuvantes dans le traitement du trouble (oméga-3, N-acétyl-cystéine, sarcosine, minocycline, traitements hormonaux adjuvants à bases d’estradiol et modulateurs sélectifs des récepteurs aux œstrogènes). Puis l’origine de la « résistance » thérapeutique dans la schizophrénie sera explorée, au prisme de ces innovations thérapeutiques (S17). Enfin l’intérêt des techniques de Neurostimulation Non Invasive (tDCS, rTMS, ECT) sera évoqué dans ce trouble (S14) avec les résultats de plusieurs études nationales (STIMZO, MULTIMODHAL, SURECT). Capitalisant sur l’utilisation de l’IRM fonctionnelle ou de la tractographie, ces approches non pharmacologiques s’inscrivent parfaitement dans une « psychiatrie personnalisée » intégrant l’idiosyncrasie clinique et biologique du patient.

Lorsque le trouble borderline m’était conté

Quelle est l’efficacité des traitements pharmacologiques dans le trouble de la personnalité borderline (BPD) ? Si pour vous aussi, cette question demeure mystérieuse, et que vous êtes bien embêté lorsque l’un de vos patients vous questionne sur ce sujet épineux, hâtez-vous d’assister à la synthèse sur la psychopharmacologie du BPD (R05). Lorsque la dimension pharmacologique n’aura plus de secret pour vous, Amaury Durpoix, Lionel Cailhol, et Nader Perroud vous rappelleront les psychothérapies validées pour la dysrégulation émotionnelle (S02), notamment la thérapie Comportementale et Dialectique et l’utilisation des outils numériques associés (application Emoteo, chaine YouTube GREMO HUS). Ces nouvelles pratiques numériques pourraient permettre un suivi quotidien, au plus proche du patient, bénéficiant en parallèle des biomarqueurs comme les données actimétriques pour adapter en temps réel le contenu adressé au patient.

Faites du sport, pas la guerre !

Peut-on encore douter des effets bénéfiques de l’activité physique sur notre santé mentale ? Une session thématique (S25) montrera les résultats de programmes structurés d’activité physique dans des populations de patient souffrant de troubles psychiatriques chroniques (Sport&Co, Réhability’run, PEPSY). S’appuyant sur des données récentes en neurosciences, les effets de ces pratiques sportives sur la plasticité cérébrale et les hypothèses mécanistiques sur leur efficacité clinique seront détaillés. Ce regain d’intérêt pour le corps, au prisme des progrès de la réhabilitation psychosociale, participe à renforcer la dimension intégrative de la psychiatrie de demain. On peut rêver que les psychiatres délaissent bientôt la blancheur immaculée de leurs blouses hospitalières pour une paire de baskets, et emmènent leurs patients au rythme de course sur le chemin du rétablissement.

Hugo Bottemanne
Paris