CFP2023 Edito Addictions

Les points forts

  • Psychotraumatismes et addictions sont très intriqués. Il est capital de dépister la cooccurence et de proposer des traitements adaptés.
  • L’intelligence artificielle remplacera-t-elle un jour les médecins pour la prise en charge des addictions ? That is the question.
  • Le TDAH est sous diagnostiqué et donc sous traité en Addictologie.

Beaucoup de nouveautés au CFP 2023. Les problématiques traditionnelles du psychotrauma, du TDAH ou du tabagisme en psychiatrie sont revisitées et approfondies. On voit poindre les nouvelles technologies comme outils diagnostiques et thérapeutiques, en particulier la terrible intelligence artificielle, qui fait si peur… Mais aussi de nouvelles techniques non pharmacologiques, par exemple pour la sensibilité émotionnelle au rejet ou la surf-thérapie.

Addictions et psychotraumas : des pathologies concomittantes fréquentes

De très nombreuses études en population générale ou dans des populations cliniques ont retrouvé que les maltraitances infantiles, en particulier les violences émotionnelles, physiques et sexuelles, les négligences émotionnelles et physiques  dans l’enfance, étaient plus fréquentes chez des sujets présentant des addictions que chez les sujets témoins. Néanmoins, elles restent difficiles à dépister. Un symposium va explorer notamment la dimension de dysrégulation émotionnelle et les expériences dissociatives dans des études cliniques et épidémiologiques (S11).

Le staging et l’approche neurodéveloppementale sont-ils pertinents en Addictologie ?

A l’instar de la Psychiatrie, de nombreux auteurs plaident pour une approche neuro-développementale des addictions. Alors que l’approche des addictions était focalisée sur la prise en charge des patients les plus graves, aujourd’hui, la prévention, le dépistage et la prise en charge la plus précoce possible des patients sont devenus des enjeux majeurs. A cet égard, le concept de pré-addiction a émergé recemment. Une « rencontre avec l’expert » (R08), focalisera ces aspects sur le cannabis. Elle exposera notamment les intéractions gènes-environnement favorisant l’addiction au cannabis.

Les écrans : normal ou pathologique ?

Le tsunami des écrans a maintenant envahi nos vies, pour le meilleur comme pour le pire. Parmi le pire : le cyberharcèlement, l’intrusion dans la vie privée, le darkweb, le piratage des données, notamment celles des hôpitaux, la cyberguerre et les addictions. Les addictions aux écrans concernent en premier lieu les enfants et adolescents. Un symposium (CLO2) fera le point sur l’état actuel de la recherche : un champ immense à explorer…

Les patients cocaïnomanes des villes et les cocaïnomanes des champs : deux poids, deux mesures ?

Le marché de la cocaïne est saturé sur le continent américain. Elle revient en force en Europe, avec des taux de pureté inégalés jusqu’ici, touchant tous les milieux, les plus précaires comme les plus favorisés. Mais puissants ou misérables, les sujets dépendants à la cocaïne sont’ils si différents ? C’est le débat (D02) qui ravivera celui de La Fontaine dans les « animaux malades de la peste ».

L’intelligence artificielle (IA) : amie ou ennemie ?

Au CFP en 2019, une communication posait la question « L’intelligence artificielle suffira-t-elle à sortir la psychiatrie de la crise ? ». Déjà utilisée dans l’aide à la décision en oncologie, dermatologie ou en imagerie médicale, l’IA permet déjà de prédire la survenue de dépression et de comportements suicidaires avec plus précision que les cliniciens. Elle permet de prédire un premier épisode psychotique sur des données d’imagerie cérébrales ou sur les données de textes lus par les sujets.

En 2023, c’est au tour de l’Addictologie. En effet les tableaux cliniques, en particulier aux Urgences, sont difficiles à appréhender par un seul médecin d’une seule spécialité. Un débat « Dr YOU et Mister ChatGPT, l’IA remplacera-t-elle un jour les médecins pour la prise en charge des addictions aux urgences ?» (D12) va poser la question de l’intérêt de l’IA en Addictologie : pourrait-elle faciliter la compréhension de tableaux cliniques complexes comprenant des données multiples, pouvant générer une grande variété d’algorithmes ? et proposer des attitudes thérapeutiques ? et quelles en sont les limites ?

TDAH et addictions : pas qu’un effet de mode

Le Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) est sous-diagnostiqué et donc sous-traité en Addictologie. Il est donc très intéressant de participer au symposium TDAH et addictions chez l’adulte (FA03) qui s’est fixé comme objectif d’exposer les données de la littérature récente sur l’évaluation du TDAH, des actualités du TDAH, et des perspectives, notamment des réseaux de soins qui se structurent actuellement.

Addictions et sommeil : l’œuf ou la poule ?

Le sommeil est quasiment toujours altéré dans les addictions. L’insomnie est un symptôme de sevrage rencontré quasi systématiquement dans les addictions. Il est à l’origine de nombreuses rechutes. Ne pas dormir est une pensée automatique très souvent mise en avant par les patients pour justifier leur consommation. Un symposium (FA16) va approfondir les relations, comme souvent, bidirectionnelles, entre tabac, alcool, cannabis et sommeil.

Chemsex : un modèle de prise en charge intégrée ?

Le chemsex est un exemple de pathologies concomittantes psychiatriques, addictologiques et infectiologiques. Elle ne concerne plus maintenant que les Hommes qui ont des rapports Sexuels avec des Hommes, mais diffuse dans toute la société. Sa prise en charge est un challenge : elle nécessite un réseau multidisciplinaire et spécifique, elle fait face à des comorbidités et complications psychiatriques complexes, notamment des complications psychotiques induites par les substances. Le chemsex est à l’origine de l’élaboration de traitements pharmacologiques, psychothérapeutiques spécifiques et de neuromodulation qui seront exposés dans le symposium « Let’s talk about Chemsex » (S26).

Réduire les risques liés au tabac en psychiatrie : mission impossible ?

La consommation de tabac réduit l’espérance de vie des fumeurs de 10 ans. Elle réduit celle des patients psychiatriques de 25 ans. Ces données ne sont pas nouvelles, mais en France, les chiffres du tabagisme restent très élevés alors que dans d’autres pays, le tabagisme diminue y compris chez les patients psychiatriques. Rien de nouveau sous le soleil sauf qu’aujourd’hui, il faut vraiment s’engager dans le processus de changement. Le symposium « Tabac en psychiatrie : améliorer l’accès à la prévention et à l’intervention précoce » (S18) apporte des exemples concrets d’actions probantes pour réduire la consommation de tabac des patients en Psychiatrie, y compris la cigarette électronique. En outre, vous apprendrez que les anomalies cardiovasculaires induites par le tabac altère précocément les capacités cognitives des patients (S18C). Raison de plus pour les aider à arrêter de fumer !

La sensibilité émotionnelle au rejet : une nouvelle cible thérapeutique ?

Depuis quelques années, des chercheurs en psychologie, notamment à l’Université de Louvain ont montré que les troubles des cognitions sociales pouvaient être très importants dans les addictions. Une dimension de la cognition sociale, la sensibilité émotionnelle au rejet peut favoriser des pensées répétitives négatives chez les patients souffrant d’addictions. Ces deux dimensions, sous-estimées, émergent comme nouvelles cibles thérapeutiques et seront approfondies dans un symposium centré sur les approches neuropsychologiques de la prévention de la rechute (S05).

Thérapies centrées sur le corps : seulement de l’occupationnel ?

Les thérapies à médiation corporelle, à médiation artistique, à médiation éducative, etc. sont souvent perçues de façon péjorative parce qu’« occupationnelles ». En réalité, ces thérapies visent à restaurer des capacités d’expression des émotions, d’insight et des capacités à retrouver du plaisir autrement qu’en consommant des substances. A cet égard, la « surf-thérapie » proposée lors de la Journée Sciences Infirmières et Recherche Paramédicale (JSIRP3E) n’est pas aussi anecdotique qu’il n’y parait au premier abord. Ce sera intéressant de voir comment l’activité de surf peut aider certains sujets à surmonter leur(s) addiction(s) en gérant mieux leur impulsivité et/ou leur dysrégulation émotionnelle.

Alain Dervaux
EPS Barthelémy Durand Etampes / Université Paris-Saclay.