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Thursday 2 December
  • 15h00 - 16h00
  • psychiatrieetsociete

S10- Incestes : une mobilisation sociétale transdisciplinaire pour une prévention et un traitement efficaces

Président - Celine BAIS - Montpellier
Abstract

L’inceste est une problématique ancienne, récurrente aux conséquences dramatiques en termes de santé publique. En effet une étude récente de l’association « Face à l’inceste » estimait le nombre de victimes potentielles d’inceste à 6,1 millions, soit 10% de la population en France (1), sachant qu’en 2019 seulement 13% des victimes adultes avaient porté plainte (2). Ces chiffres méritent d’être approfondis mais ils témoignent de l’importance de prendre en charge collectivement le phénomène, lorsque l’on connait les conséquences potentiellement gravissimes sur le développement de l’enfant et les troubles psychiatriques qui peuvent en découler à l’âge adulte. De fait, la psychiatrie est fortement impliquée dans la prise en charge des victimes, du traumatisme, mais aussi des auteurs (dans le cadre des soins pénalement ordonnés notamment) et des familles. En ce début d’année 2021, le mouvement #metooinceste qui a fait suite à la parution de l’ouvrage de Camille Kouchner «La familia grande» a permis de prendre mesure de l’ampleur du phénomène et a conduit à une concertation des acteurs en vue d’un durcissement des lois, en particulier sur la question de la prescription et d’un seuil d’âge minimal de consentement des mineurs à des relations sexuelles. Mais au-delà du traitement juridique et de la nécessaire sanction des faits, comment prévenir efficacement la commission de ces actes, dont on sait désormais qu’ils peuvent toucher tous les milieux ? Le traitement psychiatrique des victimes et des auteurs est nécessaire mais non suffisant, et une implication de l’ensemble de la société est essentielle pour prévenir l’apparition de nouvelles victimes : les acteurs doivent travailler ensemble et de façon coordonnée, en s’appuyant sur les données de la science, pour une prise en charge rigoureuse et efficace. C’est dans cet objectif que cette session thématique propose une approche sociétale transdisciplinaire, médiatique, juridique, et clinique. Cela permettra de définir les différentes configurations incestueuses (notamment les angles morts moins médiatisés : inceste au sein d’une fratrie, inceste maternel, climat incestuel (3)), de préciser les cadres légaux et leur évolution récente, de décrire le travail d’information et de sensibilisation de la population générale par un travail journalistique rigoureux, et enfin d’aborder la clinique de l’inceste et l’évolution des prises en charge et la transition du traitement vers la prévention (4).

Auteurs : AH. Moncany - CH Marchant, 134 route d'Espagne, 31057, Toulouse

Références : (1) Sondage IPSOS « Les français face à l’inceste », Face à l’inceste, 2020 (2) Rapport d’enquête « Cadre de vie et sécurité », 2019 (3) « L’inceste et l’incestuel », Paul Claude Racamier, 1995 (4) Audition publique « Auteurs de violences sexuelles : prévention, évaluation, prise en charge », 2018, www.ffcriavs.org

Mots clés : Inceste, violences sexuelles, mineurs, trauma, prévention

Conflit d'intérêt : Présidente de la FFCRIAVS

S10A - #metooinceste : travail journalistique pour une mobilisation sociétale

Orateur - Emmanuelle SKYVINGTON - Paris
Abstract

#metooincest Comment le mouvement #metooincest est-il apparu, début 2021, sur les réseaux sociaux, puis comment a-t-il amené nombre de gens à révéler publiquement l'inceste qu’ils avaient subi ? Comment ce sujet s’est-il imposé dans le débat public après la publication de La Familia Grande ? Ce livre de Camille Kouchner, essentiel, a contribué à libérer la parole, trois ans après le mouvement MeToo né aux Etats-Unis. Mais le surgissement de cette question n’a pas eu lieu par hasard, ni même à la faveur de la parution de ce livre-choc. L’émergence de cette thématique est le fruit du croisement de différentes prises de conscience qui vont amener la société française, année après année, à entrevoir en 2021 l’ampleur du problème de santé publique qu’est l’inceste. • Des témoignages intimes à la télévision Pendant longtemps, les différentes formes de TSPT ont été associées à une catégorie d‘individus (assez faible en nombre) qui avaient côtoyé l’horreur dans des zones de conflits : militaires, humanitaires, reporters de guerre. Puis il fut question des victimes de terrorisme et survivants d’attentats. Avant que l’on admette que ces troubles psychiatriques, conduites à risque, addictions, amnésie traumatique… pouvaient concerner un public beaucoup plus large : les adultes ayant subi des violences intrafamiliales. • La voix de personnalités Juste quelques exemples. Quarante ans après le manifeste des 343 salopes, le Nouvel Observateur publie en 2012 une liste de 313 femmes qui déclarent avoir subi un viol. Parmi lesquelles la femme politique Clémentine Autain. On était, encore au début des années 2010, à une époque où ces déclarations publiques relevaient de l’exceptionnel (dans le sens de la rareté). Autre exemple : Tristane Banon raconte en 2007 la tentative de viol qu’elle a subie en 2003 d’un homme politique (D. Strauss-Kahn dont le nom est tu à l’époque). A l’époque, son témoignage provoque railleries et jugements négatifs à son encontre. Aujourd’hui, cette femme a été médiatiquement réhabilitée. Viendront ensuite les révélations de Flavie Flament, de la patineuse Sarah Abitbol… et la déflagration du mouvement MeToo. • Des phénomènes systémiques : féminicides, « viols de guerre » En 2018-2019, la question des féminicides émerge dans de remarquables documentaires et articles qui abordent ce sujet non plus sous l’angle du fait-divers, mais sous celui de violences systémiques interrogeant toute notre société (protection infantile, prévention, prise en charges des auteurs, accueil des femmes dans les services de police…). Des associations et organes de presse montent des cellules d’investigation qui recensent ces crimes avec précision, région par région. Chiffrer, comptabiliser pour mieux percevoir. L’autre prise de conscience internationale, c’est celle du viol comme arme de guerre. Une « arme de destruction massive » estiment le Dr Denis Mukwege (RDC) et le Dr Muriel Salmona (France) qui travaillent de concert. Des viols planifiés qui se reproduisent sur tous les conflits (Rwanda, ex-Yougoslavie, Libye, Syrie et Irak, RDC…). Des films documentaires (tel L’homme qui répare les femmes, 2015) suivent le parcours du Dr Denis Mukwege qui prend en charge de manière holistique des milliers de femmes victimes de viol et mutilations dans son hôpital de Panzi. Après le prix Sakharov, Mukwege devient prix Nobel de la Paix 2018. Aux côtés d’une autre voix puissante : Nadia Murad, Irakienne yezidie, captive de Daech, esclave sexuelle, qui publie un livre bouleversant (Pour que je sois la dernière en 2018). Leurs témoignages participent à mieux appréhender les effets de ces violences dans leur globalité, mais aussi les résultats très positifs d’une prise en charge (quand elle a lieu). Le double ticket accordé cette année-là à ce gynécologue-obstétricien et à cette ex-victime de viols de guerre lance un signal fort sur le plan international. Une première dans la liste des lauréats des Nobel pour la paix. • Les enfants victimes d’inceste Mais à ce stade, au début des années 2020, on note toujours peu de témoignages relatifs à l’inceste. Pourquoi? Parce que l’inceste est, dans cette liste de drames, l’ultime tabou. L’innommable. Il a fallu « expurger » ou du moins aborder les différentes thématiques citées plus haut pour arriver au coeur du coeur du débat : les violences sexuelles envers les enfants commises en général par un proche (80% des cas), au sein donc de la cellule familiale, censée pourtant être un cocon protecteur pour l’enfant. Nous ne sommes plus en guerre, sur des terrains instables mais bien ici, en France. De nombreux témoignages existaient pourtant depuis la parution du livre L’inceste de Christine Angot (1999). Viols au sein de familles d’accueil (affaire Laetitia Perrais en 2011), fictions mettant en scène des policiers de la Brigade de protection des mineurs (Polisse de Maiwen), ou récits autobiographiques de Delphine de Vigan (Rien ne s’oppose à la nuit 2011) ou de Sophie Chauveau (La fabrique des pervers, 2016) qui analysaient les mécanismes incestuels et le processus de répétition transgénérationnelle. Portée par la mobilisation des associations, collectifs et activistes (hashtag NousToutes notamment), propulsée par les réseaux sociaux, la vague MeTooInceste a déferlé juste après la parution du livre de Camille Kouchner, l’affaire Olivier Duhamel prouvant avec véhémence que ces actes d’inceste existent partout, dans tous les milieux. Les médias - dont Télérama (groupe Le Monde) auquel je collabore - mènent des enquêtes, interviewent protagonistes et spécialistes, participent à informer, relayer, vulgariser certaines thématiques (lors de longs papiers avec des juges, médecins, avocats, enquêteurs, réalisateurs…).

Auteurs : E. Skyvington - Journaliste - Télérama - 75013 Paris

S10B - Approche juridique de l'inceste : définitions, évolution des lois, traitements

Orateur - Emeline SYMPHORIEN - Chalons-en-Champagne
Abstract

Le droit, en tant que régulateur des relations sociales, traite de la question de l'inceste depuis le droit romain. La réglementation française sur le sujet se retrouve essentiellement dans les matières du droit civil (les empêchements à mariage) et du droit pénal (les infractions à caractère sexuel commises, en majorité, sur mineurs). Cependant, la manière dont l'inceste est réprimé a pu différer dans le temps. Alors que la notion disparaissait du code pénal napoléonien en 1810, elle ne fit sa réapparition en droit français qu'avec la Loi du 14/03/2016 « Relative à la protection de l'enfance », après une tentative échouée en 2010. Les Lois du 03/08/2018 et plus récemment du 21/04/2021 en ont renforcé la prise en compte et la répression. Auparavant édicté en surqualification pénale, qui n'aggravait pas la peine encourue, aujourd'hui l'inceste revêt des qualifications infractionnelles autonomes. De plus, le traitement procédural de ces infractions a été étendu. Ainsi, la qualification d'inceste permet par exemple la levée du secret professionnel; et même si l'imprescriptibilité, réclamée par certains, n'a pas été entérinée, les règles de prescription en la matière se sont spécialisées et se distinguent du droit commun. De manière générale, le juridique tente d'appréhender une notion sociologique et anthropologique, en réprimant l'innommable, au nom des intérêts de la société.

Auteurs : Émeline SYMPHORIEN - CRIAVS Champagne-Ardenne Pôle de psychiatrie médico-légale EPSM de la Marne 1, Chemin de Bouy BP 70555 51022 Chalons-en-Champagne

Références : - Loi 03/08/2018 « Renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes » - Loi 21/04/2021 « Visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste » - « Viol », Audrey DARSONVILLE , Février 2020, Dalloz, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale - Recueil Dalloz « Infractions sexuelles contre les mineurs : une sortie du droit commun, pour quelle efficacité ? » Sébastien Pellé, D. 2021.1391

Mots clés : Inceste – Droit pénal – infractions – procédure pénale - prescription

Conflit d'intérêt : Aucun conflit d'intérêt

S10C - Clinique de l'inceste et prise en charge psychiatrique : du traitement vers la prévention

Orateur - Anne Hélène MONCANY - TOULOUSE
Abstract

Les violences sexuelles sont une problématique de santé publique majeure, tant par leur fréquence que par la gravité des troubles que cela peut provoquer chez les personnes qui en en ont été victimes. Au sein de ces violences sexuelles et de leurs conséquences psychopathologiques, l’inceste revêt une dimension particulière. En effet, la qualité des liens qui unissent auteurs et victimes (auteurs qui ont parfois été eux même victimes) doit être absolument prise en compte dans l’évaluation et la compréhension clinique du phénomène, Pierre Paul Racamier ayant bien décrit le climat incestuel qui bien souvent fait le lit de l’acte incestueux. Le caractère secret, la confusion des places et des rôles de chacun, l’aspect transgénérationnel de l’inceste sont autant de dimensions qui contribuent au développement de troubles psychiatriques. Ainsi, pour une prise en charge rigoureuse des personnes victimes comme des personnes auteurs, l’évaluation clinique doit être complète : présence de troubles psychiatriques et somatiques, dynamique de l’acte et de la relation auteur victime, fonctionnement social, affectif et sexuel, comorbidités addictives. La prise en charge doit être ajustée à cette évaluation clinique : elle comporte toujours un volet psychothérapeutique, la forme de la psychothérapie étant proposée en fonction de l’évaluation, et parfois un volet médicamenteux. Notons que les thérapies familiales peuvent avoir un intérêt particulier dans ce contexte, dans l’idée de stopper la dynamique transgénérationnelle et de prévenir ainsi la répétition des actes. De même, dans une logique d’action en amont des violences sexuelles, les acteurs de terrain développent actuellement des outils permettant de travailler préventivement auprès des familles (enfants et parents), sur des notions essentielles comme l’intimité, le consentement, la place de chacun, le respect de l’autre etc… et des outils ont été mis en place pour que les enfants victimes puissent trouver rapidement de l’aide (SNATED), mais également que les personnes craignant d’agresser sexuellement un enfant puisse accéder à une prise en charge en amont du passage à l’acte (dispositif STOP développé par les CRIAVS).

Auteurs : AH Moncany - CH Marchant, Toulouse

Mots clés : Inceste, violences sexuelles, incestuel, psycho traumatisme

Conflit d'intérêt : Présidente de la FFCRIAVS

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