Programme

En terres périnatales, les connexions sont plurielles. Dès la gestation, tout d’abord, par notre condition d’être humain relié à autrui en soi-même. En effet, dès sa conception, l’enfant à naître est « être conçu d’un homme et d’une femme, en tel lieu du monde et à tel moment de l’histoire de l’humanité » [1]. Cette identité conceptionnelle confère déjà une forme de subjectivité à l’enfant à naître et contribue à modeler les contours de la relation prénatale parents-bébé. Elle se trouve aussi le théâtre de remaniements profonds, de connexions ajoutées, avec la pratique des PMA. Mais les connexions périnatales sont également à l’œuvre dans le travail quotidien des « psypérinatalistes » : connectés à la (future) mère, au (futur) père, au bébé in utero ou nouveau-né, observateurs infatigables des interactions parents-bébé, ils le sont aussi de part le travail en réseau avec l’ensemble des acteurs de terrain, professionnels nombreux de la périnatalité : sages-femmes, obstétriciens, puéricultrices, pédiatres, TISF, psychiatres, pédopsychiatres, psychologues, etc. L’accompagnement d’un cas de syndrome d’Ekbom par procuration illustrera ces connexions foisonnantes [2]. Enfin, évoquer les connexions périnatales, c’est être attentif à ces moments de « déconnexions » qui peuvent se jouer à de multiples niveaux et qui retentissent sur le bien-être du bébé, sinon sur son développement. Ces déconnexions sont au cœur de la clinique psychopathologique périnatale. Nous nous intéresserons plus particulièrement à l’une d’entre elles, qui passe peut-être trop inaperçue : la clinique des déconnexions qu’impose le monde numérique, lorsque le parent dit « connecté » se déconnecte de son enfant [3]. Nous vous invitons donc à explorer quelques unes de ces connexions et déconnexions périnatales, qui sont au cœur de l’accompagnement psychique de la parentalité et du lien parent-bébé.

Auteurs : B. Bayle (1), L. Franchitto (2), C. Fourcade (3), F. Gressier (3) - (1) EPS Barthélémy Durand, Etampes (2) CHU Toulouse, Toulouse (3) Hôpital de Bicêtre, Hôpitaux Universitaires Paris Saclay, Le Kremlin Bicêtre

Références : [1] Bayle B. « Psychologie et psychopathologie de la conception humaine ». In Bayle B. (dir.), Psychiatrie et psychopathologie périnatales. Aide-Mémoire. Dunod, Paris, 2017, p. 51- 58. [2] Colbeaux I, Franchitto L, Raynaud JP, Salesse L, Revet A. Postpartum Ekbom syndrome by proxy. 2020; Psychiatry Res. 285:112723. [3] Berthomier N, Octobre S. Enfant et écrans de 0 à 2 ans à travers le suivi de cohorte ELFE. 2019; Culture Études n°1(1):1

Mots clés : Connexions; Ecrans; Identité psychique ; Parentalité ; Psychiatrie périnatale; syndrome d’Ekbom par procuration

Conflit d'intérêt : Les auteurs ne déclarent pas de conflit d'intérêt,

Dans son dictionnaire, André Lalande définit très justement l'ontogenèse comme "Développement de l'individu, tant mental que physique, depuis la première forme embryonnaire jusqu'à l'état adulte". Comment explorer dès lors la période prénatale comme une étape possible du développement mental de l'être humain? La psychopathologie de la conception humaine tente de répondre à cette quête, proposant de repérer les problématiques psychologiques émergeant dès la conception d'un enfant. Enfants de remplacement, enfants issus d'un viol ou d'un inceste, déni de grossesse, survivance prénatale, enfants conçus de parents malades mentaux, etc. sont autant de voies à explorer. Cas paradigmatique, l'enfant du viol nous montre que, dès la conception, l'être humain conçu possède une identité de conception qui l'inscrit d'emblée dans le registre psycho-socioculturel. En effet, être conçu d'un viol est une détermination identitaire qui n'a rien à voir avec le biologique et qui confère une certaine subjectivité à l'enfant à naître. La clinique de la survivance prénatale montre la place qu'occupe la biographie prénatale; celle de l'enfant conçu de parents souffrant de troubles psychiatriques sévères situe le rôle de l'environnement psycho-affectif prénatal. En réalité, toute problématique prénatale peut se décliner selon trois axes : identitaire; biographique; environnemental. Dès la conception , l'être en gestation est « être conçu de tel homme et de telle femme en tel lieu du monde et à tel moment de l'histoire de l'humanité, soit l'équation conceptionnelle (en procréation dite "naturelle") : Être humain = EC (homme + femme) t=x lieu=y » (où le signe + désigne la relation affective et sexuelle). L’identité conceptionnelle rassemble un ensemble de déterminations psychosocioculturelles en une unité originale qui apporte une subjectivité particulière à l’être humain conçu et qui fonde ce qu’il est, sans le confondre avec ceux qui lui donne la vie. Je ne peux me poser la question “qui suis-je ?” sans découvrir autrui en moi-même : j’ai une dette à l’égard d’autrui. Autrui m’apparaît à l’intérieur de moi-même, autrui se reflète en moi. Je ne peux m’interroger en moi-même sur moi-même, sans me tourner vers l’histoire d’une rencontre interpersonnelle qui fonde, parfois avec ses aléas, mon existence. En ce sens, l’être humain conçu possède une véritable structure intersubjective. Il est ontologiquement, dans son être, en relation avec autrui à l’intérieur de lui-même.

Auteurs : Benoît BAYLE (1) - (1) CESRSMP EPS Barthélémy-Durand Avenue du 8mai 1945 91152 ETAMPES CEDEX

Références : Bayle B., L'embryon sur le divan, Psychopathologie de la conception humaine, Masson, 2003 Bayle B., L'enfant à naître, Identité conceptionnelle et gestation psychique, érès, 2005 Bayle B. (dir.), Psychiatrie et psychopathologie périnatales, Aide-Mémoire en 51 notions, Dunod, 2017. Lalande A., Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, 1988 (1926)

Mots clés : Psychologie. Psychopathologie. Périnatalité. Identité. Procréation humaine.

Conflit d'intérêt : Absence

La pratique de la psychiatrie périnatale impose des connexions permanentes entre les professionnels, du champ médical entre eux mais aussi du champ social et médico-social. Nous observons chez les patientes migrantes toutes sortes de symptômes de la lignée thymique, anxieuse et post-traumatique, avec des tableaux parfois florides et trompeurs en période périnatale d’autant plus qu’ils s’expriment en fonction de la culture d’origine de la patiente. Le risque de prendre de mauvaises décisions pour la mère et/ou pour le bébé est grand, et peut être encore majoré par l’angoisse des équipes partenaires quand elles sont confrontées à des troubles psychiatriques. C’est ce qui s’est passé pour cette patiente africaine présentant un délire d’infestation parasitaire, le syndrome d’EKBOM, classique chez les patients migrants en situation de grande précarité. Mais ici, il est survenu par procuration c’est-à-dire que la mère avait la conviction que des parasites envahissaient le corps de son bébé. Cette jeune mère africaine était sans antécédents psychiatriques documentés avant la grossesse, et son délire est resté bien sectorisé et sans désorganisation psychique, quoique non critiqué. Pour autant, l’inquiétude des équipes du centre d’hébergement et l’absence totale de données de la littérature à ce sujet pour évaluer la dangerosité potentielle vis-à-vis du bébé ont complexifié l’accompagnement de la dyade, d’autant que nous ne disposons pas d’unité psychiatrique d’hospitalisation mère bébé dans notre région. Il a fallu une excellente coordination et implication de tous pour permettre le maintien de cette dyade mère enfant dans son foyer, les soins psychiatriques de la mère, et les soins de la relation mère bébé, tout en garantissant de bonnes conditions de sécurité pour tous. Les connexions cliniques interdisciplinaires et partenariales ont été nombreuses et enrichissantes et ont permis à la maman de guérir de son épisode, d'investir son bébé de manière moins anxieuse, et de prendre finalement la décision de se rapprocher de membres de sa famille dans une autre région où elle a pu intégrer un centre maternel avec son bébé et continuer des soins spécialisés.

Auteurs : Ludivine Franchitto Ines Colbeaux Laurine Salesse Alexis Revet Jean Philippe Raynaud - Service Universitaire de Psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent Equipe de psychiatrie périnatale Maternité du CHU PURPAN TSA 70034 31059 Toulouse Cedex 9

Références : Postpartum ekbom syndrom by proxy Colbeaux I, Franchitto L, Raynaud JP, Salesse L, Revet A. Psychiatry Research. 2020 Mar;285:112723. doi: 10.1016/j.psychres.2019.112723. Epub 2019 Nov 29.

Mots clés : Ekbom par procuration, pluridisciplinarité, coordination, relation mère bébé, précarité, migration

Conflit d'intérêt : Aucun

Les parents des enfants de moins de 3 ans que nous recevons aujourd’hui en pédiatrie ont vécu leur propre adolescence avec l’explosion des réseaux sociaux. Sans diaboliser les écrans et sans ignorer que cette nouvelle génération de parents « connectés » ont une certaine maîtrise « du savoir vivre avec », en tant que professionnels il n’en demeure pas moins nécessaire d’en connaître les risques, l’interférence avec les vulnérabilités sociales et les recommandations actuelles. Le rôle néfaste de la surexposition des enfants aux écrans est une sorte « d’évidence » pour cette génération de parents, sans pour autant qu’ils en connaissent, reconnaissent ou préviennent les effets chez leurs enfants, notamment lors des usages à visée essentiellement « calmante ». D’autre part, les risques de l’hyperconnexion parentale sur les tout jeunes enfants sont moins bien connus voire ignorés par les parents. Nous tenterons au cours de cette présentation de faire une brève mise au point sur le sujet afin de donner des outils pour sensibiliser au mieux les parents.

Auteurs : Dr Corine FOURCADE Pédiatre - Service de Psychiatrie du Pr Corruble Unité mère-bébé Dr Florence Gressier Hôpital de Bicêtre - Kremlin Bicêtre

Références : Enfant et écrans de 0 à 2 ans à travers le suivi de cohorte Elfe, Nathalie Berthomier, Sylvie Octobre Culture études 2019/1 (n° 1), pages 1 à 32. https://afpa.org/content/uploads/2019/04/l’enfant-l’adolescent-la-famille-et-les-écrans-rapport-Académies-09-04-2019.pdf Smartphones in the nursery: Parental smartphone use and parental sensitivity and responsiveness within parent-child interaction in early childhood (0-5 years): A scoping review. Braune-Krickau K, Schneebeli L, Pehlke-Milde J, Gemperle M, Koch R, von Wyl A. Infant Ment Health J. 2021 Mar;42(2):161-175. doi: 10.1002/imhj.21908. Epub 2021 Jan 15.

Mots clés : écrans - petite enfance - surexposition - technoference - vulnérabilités - disponibilité parentale -

Conflit d'intérêt : Je déclare n'avoir aucun conflit d'intérêt.