Éditorial “Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent – Périnatalité” de l’édition 2022 du Congrès Français de Psychiatrie

Points forts :
– En dépit de la puissance et de la redondance des mécanismes biologiques favorisant le développement du fœtus et du lien mère bébé, la grossesse et le post-partum sont des périodes sensibles et à haut risque sur le plan psychique.
– Devant l’augmentation des demandes en lien avec des idées et des comportements suicidaires chez l’adolescent, les psychiatres proposent une évolution des pratiques, des réponses institutionnelles jusqu’aux formes de thérapies proposées.

On a peine à imaginer la Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent traversant une période si difficile en découvrant la tonalité des communications présentées cette année. C’est une discipline à la vitalité contagieuse qu’on retrouve à Lille, concentrée autour de deux temps de l’enfance, le tout premier âge et l’adolescence. Tout nous invite à goûter la créativité des cliniciens inventant de nouvelles pratiques, redessinant les cadres de l’accueil, de l’intervention, de la compréhension des phénomènes.

Voir naître de nouvelles pratiques en Périnatalité

La grossesse et le post-partum sont des périodes de l’existence particulièrement sensibles. Elles provoquent des bouleversements physiologiques et psychologiques intimement liés et orientent la vie psychique de la mère vers une préoccupation et une disponibilité remarquables pour le bébé.
Le cerveau des futures mamans s’anime dans le réseau de saillance, s’embrase dans les régions impliquées dans les mouvements d’empathie S04A. Mais les souffrances psychiques et les traitements psychotropes S04C au cours de la grossesse retentissent sur le fœtus S04B et mettent à mal le développement du bébé et la construction du lien mère-enfant. C’est tout le sens du développement d’interventions dont les visées sont à la fois préventives et curatives.
Des consultations spécialisées à visées préventives pour les femmes enceintes ayant des antécédents de troubles psychiques sont désormais proposées, par des binômes associant psychiatre d’adultes et pédopsychiatre, voire pédopsychiatre et psychopharmacien lorsque les questions des rapports bénéfices/risques des traitements médicamenteux sont au premier plan FA04A. L’AFPBN a établi des recommandations formalisées pour guider le prescripteur FA04B et des découvertes récentes sur les phénomènes hormonaux associés aux troubles de l’humeur du post-partum sont à l ‘origine d’une piste thérapeutique spécifique dont les résultats sont très encourageants FA04C.
Les interventions non médicamenteuses ont une importance capitale dans ce contexte, illustrée par la présentation de trois pratiques différentes FA05. L’évocation de l’expérience particulière de la maternité en milieu carcéral témoigne quant à elle de conditions peu favorables à la constitution d’un lien mère-enfant sécurisant pour lesquelles un effort d’accompagnement semble indispensable R16.
La découverte à la naissance d’une “variation du développement génital” fait l’objet de discussions et controverses sur les décisions à prendre ou à différer concernant les interventions chirurgicales ou médicales pour “choisir” un sexe anatomique et “assigner” un genre. Situation qui rappelle les relations complexes entre l’identité sexuée et le développement de l’identité de genre, terreau d’une réflexion clinique, psychopathologique, systémique, éthique S28.

Adolescence et Psychiatrie de l’adolescent : se réinventer en temps de crise

Confrontés à une augmentation marquée des demandes de consultations en urgence pour les adolescents, en lien avec les conséquences familiales, sociales, scolaires, de la pandémie et des confinements, les services de psychiatrie de l’enfant traversent une période particulièrement difficile, puisant dans des ressources déclinantes depuis des années. Tout comme l’adolescent peut transformer la situation de crise en moment fécond d’une transition dans sa posture subjective et son contact avec le monde, la psychiatrie peut affronter cette crise institutionnelle en ajustant ses réponses, en reconsidérant les stratégies conventionnelles du soin, sans céder sur ses valeurs essentielles et la protection des enfants en danger.
Pour réussir cette transition, la compréhension des troubles exprimés par les adolescents vivant une époque insécurisante à plus d’un titre, est primordiale FA07. Plusieurs initiatives de réponse ambulatoire viennent nourrir la perspective d’une transformation de l’hospitalo-centrisme en suivi ambulatoire repensé avec une palette de propositions correspondants à des besoins spécifiques FA07, FA10.
Les psychiatres libéraux s’interrogent aussi sur leur place auprès des adolescents lors d’un partage de pratiques cliniques où sont abordées les implications des prescriptions médicamenteuses hors AMM, la thérapie comportementale dialectique pour les troubles limites, et la question systémique du travail avec la famille PPC3.
Autre clinique appartenant à l’époque, l’adolescent dit “radicalisé” ne livre rien de très spécifique au regard psychopathologique, sinon sa différence d’avec les adolescents délinquants “habituels” confiés eux aussi à la PJJ R04. Ce qui n’est pas sans incidence sur les perspectives d’évolution de ces formes de la pensée dogmatique.
Ce que l’on retrouve souvent dans ces égarements adolescents, ce sont les traces d’une adversité d’enfance. L’impact des évènements traumatiques continue d’être étudié, l’augmentation d’incidence de certains troubles nécessite un travail de prévention secondaire dont les effets peuvent être mesurés S11. Sur le chemin du soin ou du travail éducatif, le psychiatre a parfois la mission d’expertise pour faire lien avec les décisions de justice, pratique appelée à évoluer avec l’entrée en vigueur du Code de la justice pénale des mineurs du 30 septembre 2021 R17.
Parmi les interventions proposées pour les troubles anxieux, dépressifs et les personnalités limites, celles basées sur la pleine conscience font l’objet d’un engouement qui mérite un travail critique méthodique S13. C’est le même constat pour les interventions thérapeutiques familiales dans l’anorexie mentale. Pratiquées depuis trente ans, ayant évolué dans leur représentation de la place occupée par les familles dans la thérapie, elles ont aussi évolué dans leur forme, impliquant parfois plusieurs familles simultanément. Les praticiens s’interrogent sur la façon de porter les indications, d’évaluer les effets, cela ne pouvant s’envisager qu’après avoir patiemment décrit la méthode de travail dans un manuel de thérapie que devrait élaborer chaque équipe S25.

Les TND sous le prisme dimensionnel et l’école de l’angoisse

Moins présents dans les sessions orales, les troubles du neurodéveloppement sont évoqués cette année au travers d’une représentation multidimensionnelle et fonctionnelle, plus orientée vers la réalisation de projets de soins que vers le débat clinique sur la valeur des catégories diagnostiques R12.
Enfin une autre situation clinique, la phobie scolaire rebaptisée refus scolaire anxieux, sera la matière d’un débat sur sa signification clinique, forme spécifique d’un trouble anxieux authentique, ou expression adaptative à un contexte pathogène, réaction de l’enfant à “une institution scolaire malade, normative et autoritaire” D04.