Editorial “Psychiatrie de la Personne Âgée” de l’édition 2022 du Congrès Français de Psychiatrie

« J’aurais pu dire : vieillir, c’est désolant, c’est insupportable, c’est douloureux, c’est horrible, c’est déprimant, c’est mortel. Mais j’ai préféré « chiant » parce que c’est un adjectif vigoureux qui ne fait pas triste… » ce sont les mots de Bernard Pivot. Et la dictée des JPPA vous propose cette année, à la ligne, ouvrez les guillemets…

« Vieillir…virgule…c’est chiant… »

Fort probable si l’on en croit plusieurs de nos conférenciers qui aborderont la thématique, d’actualité ces dernières semaines, de la fin de vie et de l’assistance à mourir, sous l’œil, cette fois, de l’éthique clinique comme aide à la décision médicale (JPPA4), et au travers de réflexions éthiques, juridiques et philosophiques autour de l’euthanasie (JPPA9). Elles traiteront aussi de la représentation, souvent négative hélas, de l’avancée en âge, avec une réflexion globale autour de « l’âgisme » (JPPA1), terme désignant toute forme de ségrégation, discrimination voire mépris basé sur l’âge d’une personne. Ce phénomène, décrit notamment chez le personnel soignant (avec parfois une vision négative liée à l’âge des patients pris en charge), peut facilement avoir des conséquences sur l’approche aux soins proposés, voire comporter un risque accru de maltraitance globale.

« Entre deux gorgées d’eau gélifiée…virgule…Raymond…virgule…visiblement très excité… virgule…coinça Ginette sur le palier… »

En EHPAD, c’est la fête du slip ! Ou pas… La liberté de disposer de son corps est souvent questionnée pour les personnes résidents en EHPAD, lieu où vie privée et vie communautaire sont, par essence, étroitement liées… Lieu où vie intime et relations amoureuses sont souvent tolérées sans être véritablement autorisées, consommées sans être toujours en pleine conscience consenties. La question des comportements sexuels problématiques ou inappropriés des résidents d’EHPAD sera discutée avec l’avis des personnels d’unités régionales de soins aux auteurs de violence sexuelle (URSAVS) (JPPA6).

« Si jeune et si cool…virgoule…il avait déjà perdu la boule… ».

Vieillir c’est chiant, surtout quand ça commence très jeune ! En effet, de plus en plus de données convergentes semblent montrer le danger à moyenne et longue échéance des petits chocs répétés à la tête, bien décrits dans le monde du sport sous le terme de commotion cérébrale. Ainsi, dans plusieurs sports à impact (rugby, football américain, hockey sur glace…), on observe précocement l’apparition de troubles cognitifs et psycho-comportementaux dès la première commotion, avec un risque, en cas de commotions répétées, de développer une forme d’atteinte proche de la maladie d’Alzheimer, appelée encéphalopathie chronique traumatique, observable parfois seulement 10 ans après l’arrêt de la pratique sportive (pour les sportifs professionnels) (JPPA3). Cette coexistence fréquente de troubles psychologiques et cognitifs nous rappelle l’intérêt d’une approche conjointe neurologue-psychiatre dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique de plusieurs entités nosologiques (maladie à corps de Lewy ou Dégénérescence Lobaire Fronto-Temporale comme exemples caractéristiques) avec l’apparition de la neurologie comportementale et de la psychiatrie cognitive, permettant notamment de mieux appréhender la pathologie psychiatrique primaire ou neurodégénérative et la problématique des symptômes psychiatriques tardifs (JPPA2). Pour de nombreuses pathologies, notamment en cas d’intrication forte de symptômes cognitifs et comportementaux, il est impératif de pouvoir bénéficier d’un meilleur phénotypage préalable. Ce dernier pourrait avantageusement profiter de l’essor des outils technologiques et numériques en santé, avec une confrontation croissante aux données biologiques existantes. Une telle approche est également primordiale pour la recherche clinique en santé qui souffre encore souvent de biais d’objectivité dans les méthodes d’évaluation (JPPA5).

« Il avait avalé tant de pilules…virgule…qu’à la fin, elles finissaient par lui peser sur la vésicule »…point à la ligne

Alors certes, on pourrait être tenté de traiter nos aînés hallucinés ou perturbateurs avec des antipsychotiques d’action prolongée (NAP) pour s’éviter la (parfois) délicate gestion des refus de traitement et oppositions aux soins. Les aspects pharmacologiques des NAP chez la personne âgée seront abordés (comme l’effet flip-flop ou comment la vitesse d’absorption est plus lente que la vitesse d’élimination chez le sujet âgé, devenant l’élément limitant de la pharmacocinétique) ainsi que les données de la littérature et retours d’expérience, en montrant notamment que l’effet de l’âge sur l’exposition à ces médicaments apparaît comme modeste, effet variable également comparativement à la forme orale (nécessitant des ajustements posologiques selon la voie d’administration) (JPPA8).

Mieux encore ! pourquoi ne pas utiliser les psychédéliques ?

Les dérivés de la kétamine, LSD, psilocybine, protoxyde d’azote (N2O) ont bien montré une efficacité dans la dépression résistante et certains troubles anxieux chez l’adulte jeune, mais les données chez l’âgé sont plus rares… Pourtant ces approches pourraient s’avérer intéressantes étant donné la résistance fréquente des antidépresseurs classiques dans la dépression du sujet âgé… (JPPA7)

« … Vieillir, c’est chiant parce qu’on ne sait pas quand ça a commencé et l’on sait encore moins quand ça finira… », point final, levez-vous et posez les stylos…