Edito – Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent – CFP 2021

Aujourd’hui les enfants, la leçon de morale porte sur l’expression « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Pour ceux dont l’éducation au sens des responsabilités n’exige pas de croire à la fiction du paradis ou de l’enfer, il faudra faire preuve d’un peu d’imagination. L’enfer, à part Boris Vian qui trouve ça épatant, c’est plutôt l’endroit où on n’a pas envie de s’éterniser. Sur terre, des lieux bien intentionnés comme la famille, les lieux de culte, l’école, les réseaux sociaux, se transforment parfois en enfer où on s’approprie les corps des enfants, on endoctrine les esprits, on soumet les volontés. « Je ne te veux pas de mal, c’est notre secret, tu ne peux pas savoir, c’est pour ton bien, tu n’iras pas loin si tu continues comme ça » bréviaire sacré de la meute des honnêtes gens qui fait la chasse à l’enfant. Freud n’a pas épargné les soignants en suggérant que leurs intentions vertueuses dissimulent parfois des aménagements psychiques moins soucieux du bien d’autrui que des réparations narcissiques qu’elles promettent.

À l’heure où la psychiatrie de l’enfant et les disciplines associées se désolent de leur précarité et du silence politique face à la détresse du monde soignant, les orateurs du CFP témoignent de l’engagement persistant, insistant, des professionnels pour mieux comprendre leur rôle dans la révélation et la compréhension des adversités de l’enfance.

Liens familiaux, liaisons dangereuses et histoires connexes

C’est l’année du haut débit des connexions en psychiatrie de l’enfant. La Société Marcé en fait sa thématique générale parcourant les connexions périnatales depuis la construction biologique, symbolique et parfois traumatique de l’identité de conception, croisant les connexions parasitées d’un syndrome d’Ekbom par procuration entre une mère et son enfant, constatant la profonde déconnexion familiale des parents hyperconnectés (FA10).

Pour les adolescents la toile est un monde protéiforme, plastique, où on peut jouer de soi-même en exposant différentes facettes de son identité ou en la recréant virtuellement au travers d’avatars. Mais connaît-on les conséquences de ces nouvelles pratiques de l’imaginaire (F20B) ? Les connexions autistiques sont abordées sous l’angle favorable de la déconnexion liée au confinement, de la distanciation sociale vécue de façon positive par nombre d’entre eux (S11A), et sous l’angle plus problématique de la pratique des jeux vidéo confinant à l’addiction (R13).

Il faut problématiser, dialectiser les nouvelles pratiques. Un débat sur l’intérêt et les limites des téléconsultations en psychiatrie périnatale nous écartera on l’espère de toute tentation de sacralisation ou de diabolisation des nouveaux moyens de dispenser des soins (D03).

Faut pas abuser !

Le respect des droits de l’enfant, c’est pas gagné

L’inceste, un tabou ? C’est à se demander si le plus tabou dans l’inceste n’est pas l’acte mais la possibilité d’en parler ! Les abus des pères de famille, des pères de l’église, dans des sociétés qu’on pense non oppressives, les enfants n’en finissent pas de les subir, de se taire, longtemps, trop longtemps. Il est de première importance de consacrer des sessions à ces thématiques, d’inviter auteurs, journalistes, juristes à réfléchir avec nous à l’ampleur du travail restant à accomplir (S10). Les cliniciens sont à une place déterminante pour que les paroles empêchées adviennent, ils apprennent à connaître le langage du corps qui traduit et recrache les violences, les humiliations, et tentent comme ils peuvent d’éclairer ce qui reste de vie dans ces corps dévastés (S24). Ils ont à exercer une forme de vigilance quand les attentes légitimes de personnes en souffrance identitaire prennent la forme de revendications radicales pour des interventions médicalisées très lourdes dans le contexte de la dysphorie de genre (S09).

Ils ont plus globalement à se rappeler qu’il est très difficile d’adopter le point de vue de l’enfant, de s’élever à la hauteur de sa compréhension profonde d’un monde où, comme le déplorait Alice Miller, il y a rarement un avocat pour le défendre chaque fois qu’il est soumis à l’injustice. Et dans notre pratique, quels moyens lui donnons-nous de comprendre ce que nous faisons pour lui, entretiens, tests, questionnaires, thérapies, rééducations, médications et réunions interprofessionnelles où nous échangeons à propos de lui ? Serions-nous aussi parfois dans des positions abusives, il y a bien lieu de se le demander (R12).

Se soigner aussi par le travail éducatif

L’éducation thérapeutique (ETP), développée surtout en médecine somatique, prend sa place en psychiatrie de l’enfant. Dépassant les questions d’information sur la pathologie, une expérience auprès d’adolescentes anorexiques montrera l’ensemble des domaines visés, l’autonomie, l’amélioration de la qualité de vie prenant en compte les aspirations de la personne (R06). Chez les adolescents auteurs d’infractions à caractère sexuel, elle vise les connaissances relatives à la sexualité, l’amélioration des savoirs, savoir-être et savoir-faire dans les relations interpersonnelles (R14). Il sera possible de discuter avec les orateurs des liens d’appartenance ou de distinction entre ce champ de l’ETP (ou psychoéducation pour certains), et celui des psychothérapies.

L’enfance à l’étude

On sait les difficultés à organiser les protocoles de recherche clinique pour les enfants et les adolescents. C’est donc avec intérêt qu’on assistera à plusieurs interventions rapportant des résultats d’études, à commencer par celles de la Fondation Santé des Étudiants de France sur l’évolution clinique des patients suivis en Hôpital de Jour pour des troubles du comportement alimentaire, ou sur les améliorations observées au décours des séjours dans les établissements de la Fondation (FA05). La SFPEADA présentera des données sur les consommations de psychotropes dans le contexte du COVID, des résultats d’une étude sur les neuroleptiques retards prescrits chez des adolescents après un premier épisode psychotique, et une réflexion sur la place de la médecine basée sur des preuves dans le domaine de la psychopharmacologie (S20). Les résultats d’une étude multicentrique sur l’utilisation de la TCC dans le Refus Scolaire Anxieux seront présentés dans une session permettant de rappeler les éléments sémiologiques et épidémiologiques de ce trouble assez peu exploré malgré ses conséquences pénalisantes (S29). Une analyse des évènements de vie précédant le geste suicidaire chez des adolescents comparés à des adolescents non-suicidants nous fera découvrir les “trajectoires d’adversité proximale” caractérisant ces conduites (FA02C). Enfin, un symposium consacré aux liens entre les troubles émotionnels et le système immunitaire mettra une nouvelle fois à l’honneur la cohorte EDEN et précisera le rôle des cytokines comme médiateur possible de l’impact de facteurs environnementaux tels que les perturbateurs endocriniens, la psychopathologie maternelle ou des évènements traumatiques (S22).