Session (JPPA) : Trouble dépressif avec caractéristiques psychotiques de la personne âgée : approches cliniques et psychopharmacologiques actuelles
Président : Frédéric LIMOSIN, Issy-les-Moulineaux.
Pourquoi les symptômes psychotiques sont-ils plus fréquents dans le trouble dépressif chez la personne âgée ?
Benjamin CALVET, Limoges.
Dépression du sujet âgé et comorbidités.
Aude MANETTI, Issy-les-Moulineaux.
Prise en charge psychopharmacologique de la dépression à caractéristique psychotique de la personne âgée.
Alexis LEPETIT, Villeurbanne

La réponse est OUI. En effet, dans la dépression à début tardif (âge > 65 ans), il est rapporté davantage de symptômes psychotiques que dans la dépression à début précoce (âge < 65 ans)…. Ainsi, près de 52% des dépressions sévères à début tardif et hospitalisées présentent des éléments psychotiques ! Et plus il est rapporté d’épisodes dépressifs dans la vie de la personne, plus il est fréquent d’avoir des symptômes psychotiques associés. De même, la survenue d’éléments hallucinatoires apparait plus fréquente en cas de troubles cognitifs associés.

Les caractéristiques sémiologiques de l’épisode dépressif varient suivant l’âge de début des troubles. Il est ainsi davantage rapporté de symptômes de type hypocondriaque avec manifestations somatiques pour les dépressions à début tardif alors que pour les dépressions à début précoce, on constate surtout un sentiment de culpabilité avec désintérêt sexuel. Dans la dépression avec symptômes psychotiques, il est également fait état de plus de symptômes somatiques avec hypocondrie dans les formes à début tardif. De manière générale, la survenue à un âge plus avancé de l’épisode dépressif majore le risque d’avoir des éléments psychotiques et certains traits de personnalité (schizotypique, paranoide et histrionique) seraient associés à la survenue de l’épisode dépressif à caractéristique psychotique.

Un dépressif présente donc plus de symptômes psychotiques, mais pourquoi ?

La réponse n’est pas unique mais, au moins, quadruple. -Parce que les symptômes psychotiques sont des marqueurs de sévérité de la dépression et que les personnes âgées ont des dépressions souvent plus sévères.
-Parce qu’ils peuvent être un marqueur de troubles neurocognitifs majeurs.
-Parce qu’ils sont souvent un marqueur d’anomalies morphologiques, fonctionnelles et cognitives.
-Parce que le vieillissement peut favoriser les décompensations de troubles psychiatriques ou de la personnalité anciens, la résurgence de traumatismes du passé, les atteintes du narcissisme et la baisse de l’estime de soi.

Une question peut alors à nouveau se poser : Quelle prise en charge faut-il proposer en cas de dépression avec symptômes psychotiques chez la personne âgée ? Faut-il utiliser un antidépresseur en monothérapie ou bien associer l’antidépresseur à un antipsychotique ?

Chez l’adulte jeune, il a été montré qu’une bithérapie associant antidépresseur (AD) + antipsychotique (AP) est supérieure à une monothérapie par AD ou par AP. Les recommandations les plus récentes préconisent une bithérapie associant un antidépresseur de type inhibiteur sélectif de recapture de la sérotonine (ISRS) ou de la sérotonine et de la noradrénaline (ISRNA) avec un antipsychotique de deuxième génération (aripiprazole, quetiapine ou olanzapine).

ISRS +AP

Les données et recommandations de prise en charge pour la dépression avec symptômes psychotiques sont moins abondantes. Chez la personne âgée, l’association AD + AP n’a pas montré un effet supérieur à l’utilisation d’une association AD + placebo dans la dépression à caractère psychotique. En revanche, l’association antidépresseur + antipsychotique de deuxième génération (AP2G) est supérieure à l’association AP2G + placebo, toujours dans la dépression psychotique. Un consensus d’experts de 2001 préconise, dans la dépression unipolaire à caractéristique psychotique chez la personne âgée, soit le recours à l’électroconvulsivothérapie, soit un traitement médicamenteux (sans prise en charge psychothérapeutique associée). Le traitement médicamenteux est idéalement une bithérapie AD (ISRS ou ISRSNA) + AP (risperidone ou olanzapine ou quétiapine) en première intention. L’antipsychotique doit être prescrit pendant une durée de 6 mois, à une posologie inférieure à celle de l’adulte jeune. Ces recommandations diffèrent ainsi des adages plus classiques selon lesquels, la dépression du sujet âgé avec symptômes psychotiques se traite en première intention par un antidépresseur en monothérapie.

La prescription d’une bithérapie AD + AP est, en revanche, préconisée dans la dépression résistante du sujet âgé, même en l’absence de symptômes psychotiques associés. Les molécules recommandées, dans les publications les plus récentes, sont typiquement l’association venlafaxine (Effexor) + aripiprazole (Abilify) pour la société savante américaine (JAMA), ou bien l’association escitalopram (Seroplex) + aripiprazole (Abilify) ou quetiapine (Xeroquel) pour la société savante coréenne. Une bithérapie AD + AP n’est pas associée à un risque de récidive différent d’une monothérapie par antidépresseur. En revanche, le risque de survenue d’effets secondaires de type extrapyramidal y est plus important.

Alors question bonus, Tati Danielle est A/ juste grincheuse, B/ grincheuse et hallucinée, ou C/ grincheuse, dépressive et hallucinée ?