S04 : TDAH et état limite : la dysrégulation émotionnelle et cognitive au cœur d’une histoire commune.

L’humour de South Park est sans nul doute borderline mais qu’en est-il de ses personnages ? Le TDAH de Tweek Tweak le rend-il plus vulnérable au développement d’un Trouble de la Personnalité Borderline ? L’inadaptation sociale de Craig est-elle un signe d’un trouble borderline dans la société du Colorado ? Et comment sauver Kenny de ces schémas psychologiques sous-jacents ?

Points forts :
Si le symposium était une saison de South Park, les titres des trois premiers épisodes seraient :
– « mon futur moi et moi » ou est-ce que le TDAH est un facteur de risque du Trouble de la Personnalité Borderline ?
– « les mots en M » ou les liens entre le Trouble de Personnalité Borderline et les attendus sociétaux actuels.
– « le nouveau look de Britney » ou comment prendre en charge les Troubles de la Personnalité Borderline ?

Tweek Tweak : Mon futur moi et moi.

François Guillon débute cet épisode en nous interrogeant sur l’avenir de Tweek Tweak, personnage hyperémotif de South Park diagnostiqué TDAH.

En effet, les deux troubles, TDAH et Trouble de la Personnalité Borderline (TPB), s’ils n’apparaissent pas aux mêmes âges, sont en revanche souvent associés. Ainsi le bâton de la vérité de Cartman nous apprendrait que l’association des deux troubles est six à sept fois plus fréquente que le hasard et que Tweek Tweak a vingt fois plus de risque de développer un TPB.

Mais comment expliquer cette association : Tweek Tweak présenterait-il un trouble pouvant avoir deux expressions différentes, le TDAH ou le TBP ? Est-ce que son TDAH est une manifestation précoce du TPB ? Ou encore le TDAH de Tweek Tweak est-il un facteur de risque pour lui de développer un TPB ?

François Guillon fait ainsi un parallèle entre TDAH et TPB en questionnant quelle frontière les sépare. Comme une ligne entre deux pays partageant les mêmes langues mais une culture différente, notre orateur détruit les murs pour nous en laisser apercevoir les similitudes et différences.

Et si Tweek Tweak partage les symptômes d’impulsivité et de dysrégulation émotionnelle des TPB, ils n’apparaissent pas être tout à fait les mêmes. Tweek Tweak présenterait davantage une impulsivité motrice et cela quelles que soient les conditions alors que dans les TPB l’impulsivité se révèle plutôt cognitive et dépendante du stress. Néanmoins, s’il venait à associer les deux troubles Tweek Tweak aurait, dans tous les cas, les plus hauts niveaux d’impulsivité par rapport à un TDAH ou un TPB seul. Enfin, sa dysrégulation émotionnelle se manifeste par des difficultés à contrôler ses émotions et une propension plus grande à la rumination et il utilise plus de stratégies adaptées et moins de stratégies inadaptées que les TPB pour réguler ses émotions. Tweek Tweak partagerait en revanche avec les TPB, des facteurs de vulnérabilité génétiques, tempéramentaux et environnementaux communs.

Craig : les mots en « M ».

Beaucoup de mots en M existent et peuvent être plus ou moins adaptés à la société. Ivan Garrec, en nous offrant sa vision sociologique, nous ouvre les yeux sur d’autres Mots tels que les Manques, les manques d’identité stable et d’intégration sociale dans les TPB.

Et si Craig préférait les défauts d’intégration sociale via le geste, Ivan Garrec présente une approche selon laquelle la forme du TPB pourrait différer selon la société dans laquelle l’individu évolue.

Il introduit la sociologie mais également les sociologues et différents courants de pensée autour d’une peur contemporaine : le social peut-il disparaître ? Mais, à l’image de Craig qui ne se coupe pas du social mais en redéfinit les codes, le social ne disparait pas, il se reconfigure. Craig n’aurait donc pas subi une narcissisation, comme l’a supposé Christopher Lash, mais un processus d’informalisation dû à une plus grande variabilité des comportements sociaux, des attentes sociales plus complexes et une transformation des règles du jeu social au sein d’une société où les individus se doivent d’être autonomes et responsables.

Le TPB, dans sa représentation actuelle pourrait ainsi être perçu comme une difficulté d’adaptation aux nouvelles règles du jeu social. Craig, s’il présente ou présentera un TPB, aurait donc un trouble qui prendrait une forme déterminée par la façon dont la société South Park est organisée. Et étant donné les règles sociétales de South Park, cette vision sociologique peut laisser songeur sur la forme que prendrait un TPB…

Chef : le nouveau look de Britney.

Si Britney venait à remettre en question ses schémas de changement de look, ou si Tweek Tweak, une fois adulte, venait à avoir besoin d’une prise en charge de son TPB, ce ne serait sûrement pas à Chef qu’il faudrait s’adresser.

En revanche, Amélie Durand s’avèrera beaucoup plus adaptée et cela à travers trois approches détaillées : la thérapie des schémas, la thérapie comportementale dialectique et la thérapie basée sur la mentalisation.

L’ensemble de ces techniques ont montré leur efficacité et reposent sur des cadres théoriques précis. Elles diffèrent en termes de modèle théorique de base et de techniques utilisées qui n’iront pas dans le même niveau d’activation émotionnelle. En revanche, elles associeront les séances de groupe et individuelles, reposeront sur un cadre concordant avec l’approche théorique qui met en évidence, dans l’ensemble des modèles tempérament et environnement, et auront des cibles communes telles que le plan sur la crise suicidaire en amont et la psychoéducation avec la recherche de la compréhension de son fonctionnement par le patient.

L’attitude du thérapeute sera centrale et demandera un talent d’équilibriste avec à la fois un vrai savoir-être, de la flexibilité et une recherche de compréhension et de solutions concrètes pour ne pas laisser le patient seul avec ses émotions.

En conclusion, oui South Park est borderline mais il est toujours temps de sauver Kenny !