Programme

L’épidémie de COVID-19 qui frappe la France a pour dégâts collatéraux une restriction de la mobilité et des connexions avec les autres personnes, l’accroissement du sentiment de solitude, et l’augmentation des difficultés sociales et économiques voire de la pauvreté pour une partie de la population. Tous ces facteurs, ainsi que les inquiétudes liées à proprement parler à l’épidémie, ont pour résultat d’augmenter la fréquence des troubles anxieux et dépressifs au sein de la population, ainsi que les recours aux soins associés (1,2,3). Ce symposium a pour objectif de présenter les données issues de plusieurs études épidémiologiques mises en place en population générale en France permettant d’identifier les groupes les plus à risque de voir leur santé mentale se détériorer dans le contexte de l’épidémie et les facteurs qui y sont associés. Tout d’abord, les données des études SAPRIS et EPICOV montreront les tendances en termes de santé mentale chez les adultes et les enfants ainsi que l’évolutions des symptômes au cours du temps. Tout particulièrement, les résultats focaliseront sur la vulnérabilité de certains groupes socio-démographiques et des professionnels de santé. Ensuite, les données de la cohorte TEMPO montreront comment des facteurs psychologiques antérieurs à l’épidémie, mais aussi les symptômes de COVID-19 ainsi que la survenue de difficultés financières, pèsent sur la santé mentale des personnes. Au total, ce symposium permettra de réfléchir aux implications en termes de prévention et d’accompagnement des difficultés de santé mentale dans le contexte de l’épidémie de COVID-19 à l’échelle populationnelle.

Auteurs : M Mary-Krause (1) A Rouquette (2) F Moulin (3) - (1) IPLESP, INSERM/Sorbonne Université, Paris (2) CESP, INSERM/Paris Saclay, Kremlin-Bicêtre (3) Bordeaux Public Health, Hôpital Charles Perrens, Bordeaux

Références : 1. Wang Y, Kala MP, Jafar TH. Factors associated with psychological distress during the coronavirus disease 2019 (COVID-19) pandemic on the predominantly general population: A systematic review and meta-analysis. PLoS One. 2020 Dec 28;15(12):e0244630. 2. Rens E, Smith P, Nicaise P, Lorant V, Van den Broeck K. Mental Distress and Its Contributing Factors Among Young People During the First Wave of COVID-19: A Belgian Survey Study. Frontiers in Psychiatry. 2021 Jan 28;12:575553. 3. Carr MJ, Steeg S, Webb RT, Kapur N, Chew-Graham CA, Abel KM, Hope H, Pierce M, Ashcroft DM. Effects of the COVID-19 pandemic on primary care-recorded mental illness and self-harm episodes in the UK: a population-based cohort study. Lancet Public Health. 2021 Feb;6(2):e124-e135.

Mots clés : COVID-19, dépression, TDAH, épidémiologie, population générale

Conflit d'intérêt : Aucun conflit d'intérêt

Contexte : Que ce soit l’infection à COVID-19 elle-même ou les restrictions de distanciation sociale mises en place, la santé mentale de la population peut en être affectée, et particulièrement chez les personnes ayant eu de telles difficultés auparavant. Peu d'études ont testé cette hypothèse en utilisant des données longitudinales sur plusieurs années. Objectifs : Nous avons donc étudié l’impact des symptômes liés à la COVID-19 sur la santé mentale pendant le confinement dû à la pandémie de COVID-19, ainsi que l'association entre les symptômes préexistants d'anxiété/dépression et l'anxiété/dépression pendant cette même période. Méthode : Un suivi longitudinal à partir de la cohorte TEMPO a été mis en place dès le 24 mars 2020 jusqu’en juin 2020 sur 7 vagues de suivi, soit un total de 729 personnes ayant participé au moins une fois. Les antécédents d’anxiété/dépression sont issus des recueils antérieurs de TEMPO, en particulier celui de 2018. Des modèles GEE ont été utilisés pour étudier les différentes associations. Résultats : 25,2% des participants ont présenté une antériorité de symptômes d’anxiété/dépression avant 2020. Ces personnes ont eu 6,73 plus de risque de présenter des symptômes d'anxiété/dépression pendant le confinement. La probabilité de tels symptômes a été plus élevée chez les femmes, chez les sujets présentant un faible revenu familial et chez les personnes ayant déclaré se sentir seules. 27,2% des participants ont rapporté une anxiété ou une dépression pendant le confinement et 17,1% ont présenté des symptômes de type COVID-19 au cours du suivi, 7,3% après le début du confinement, avec un nombre moyen de 2,7 symptômes, et 3,6% ont signalé une détresse respiratoire. Indépendamment des antécédents d’anxiété/dépression, presque tous les indicateurs de symptômes de type COVID-19 ont été associés à une probabilité plus élevée d'anxiété/dépression avec une augmentation de 20% du risque pour chaque symptôme supplémentaire. Cet impact des symptômes de COVID-19 sur la santé mentale est plus fort chez les hommes (OR=3.67, IC95%=1.39-9.71) que chez les femmes (OR=1.30, IC95%=0.80-2.12). Conclusion : Notre met en exergue un impact à la fois direct et indirect de l’infection par la COVID-19 sur l'apparition de difficultés psychologiques. Des interventions axées sur les personnes ayant des difficultés de santé mentale ainsi que sur les personnes se sentant seules devraient être envisagées, afin de réduire l'impact psychologique de toute pandémie.

Auteurs : Murielle Mary-Krause, Astrid Juhl Andersen, Mégane Héron, Joel José Herranz Bustamante, Tarik El-Aarbaoui, Maria Melchior - Sorbonne Université, INSERM, Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé Publique, IPLESP, Equipe de Recherche en Epidémiologie Sociale, Paris F75012, France

Références : 1- Andersen AJ, Mary-Krause M, Bustamante JJH, Héron M, El Aarbaoui T, Melchior M. Symptoms of anxiety/depression during the COVID-19 pandemic and associated lockdown in the community: longitudinal data from the TEMPO cohort in France. BMC Psychiatry. 2021;21(1):381. doi: 10.1186/s12888-021-03383-z. 2-Mary-Krause M, Herranz Bustamante JJ, Héron M, Andersen AJ, El Aarbaoui T, Melchior M. Impact of COVID-19-like symptoms on occurrence of anxiety/depression during lockdown among the French general population. PLoS One. 2021;16(7):e0255158. doi: 10.1371/journal.pone.0255158.

Mots clés : Anxiété, Dépression, COVID-19, Population générale, France

Conflit d'intérêt : Aucun conflit d'intérêt

Contexte : Au cours des premiers mois de la crise Covid-19, des niveaux élevés de symptomatologie dépressive ont été observés dans la population générale de nombreux pays [1–3]. Pour la plupart, cette dégradation de la santé mentale a été temporaire et s'est améliorée au fil du temps [4]. Pour certains individus néanmoins, cette amélioration n'a pas eu lieu. La durée et les conséquences de la crise sur leur vie semblent avoir été trop importantes et avoir dépassé leur capacité de résilience. L'objectif de cette étude était d'identifier les caractéristiques des individus dont la symptomatologie dépressive ne s'est pas améliorée au cours de la première année de cette crise dans la population générale en France. Méthodes : Les données de l'étude longitudinale EpiCoV (Épidémiologie et Conditions de Vie liées au Covid19) ont été utilisées [5]. Un échantillon de 10 127 d'individus tirés au sort en mai 2020 dans la population générale en France ont répondu à un questionnaire (internet ou téléphone) en mai puis en novembre 2020. Ils étaient interrogés sur leurs caractéristiques démographiques et de santé, les facteurs de stress liés à la crise Covid-19, la survenue de symptômes du Covid-19 depuis le début la crise et ont répondu à une échelle de mesure de la symptomatologie dépressive (Patient Health Questionnaire - 9 items, PHQ-9). Les facteurs associés à l'évolution de cette symptomatologie dépressive entre mai et novembre 2020 ont été identifiés à l'aide de régression linéaires multivariées, séparément chez les hommes et les femmes. Résultats : Les prévalences de participants ayant un score PHQ-9 ≥10 (symptomatologie dépressive modérée à sévère) en mai et novembre 2020 étaient respectivement 11,3% [IC95% : 10,6-11,9] et 9,6% [8,9-10,3] ; cette prévalence était de 10,3% [9,7-10,9] en France en 2019. La diminution de la symptomatologie dépressive observée de mai à novembre 2020 était en moyenne plus faible chez les participants déclarant avoir eu des symptômes du Covid-19, dont la situation financière individuelle s'était dégradée au cours de la crise ou chez les hommes vivant seuls. Conclusions : Après une détérioration initiale, la santé mentale de la population générale s'est en moyenne améliorée au fil du temps en France pour revenir au niveau d'avant la crise. Ces résultats suggèrent néanmoins qu'une attention particulière doit être portée à la survenue d'une détresse psychologique chez les hommes vivant seuls ou à la suite d'un covid-19 [6-7].

Auteurs : Alexandra ROUQUETTE(a,b), Maria MELCHIOR(c), Louis KUHN(d), Jean-Baptiste HAZO(e), Bruno FALISSARD(a,b), Laurence MEYER(a,b), François BECK(a,f), Josiane WARSZAWSKI(a,b), Nathalie BAJOS(d) and EPICOV Study Group* - a Paris-Saclay University, UVSQ, Inserm, CESP, Paris, France. b APHP-Paris-Saclay, Epidemiology and Public Health Department, Le Kremlin-Bicêtre, France. c INSERM Sorbonne Université, IPLESP, ERES UMRS 1136, Paris, France d IRIS, Inserm/EHESS/CNRS, Aubervilliers, France e DREES, Ministère des Solidarités et de la Santé, Paris, France f Institut national de la statistique et des études économiques, Montrouge, France *EpiCoV Study Group: Nathalie Bajos (co-principal investigator), Josiane Warszawski (co-principal investigator), Guillaume Bagein, François Beck, Emilie Counil, Florence Jusot, Nathalie Lydie, Claude Martin, Laurence Meyer, Philippe Raynaud, Alexandra Rouquette, Ariane Pailhé, Delphine Rahib, Patrick Sicard, Rémy Slama, Alexis Spire.

Références : 1. McGinty EE, Presskreischer R, Han H, Barry CL (2020) Psychological Distress and Loneliness Reported by US Adults in 2018 and April 2020. JAMA 324:93. https://doi.org/10.1001/jama.2020.9740 2. Pierce M, Hope H, Ford T, et al (2020) Mental health before and during the COVID-19 pandemic: a longitudinal probability sample survey of the UK population. The Lancet Psychiatry 7:883–892. https://doi.org/10.1016/S2215-0366(20)30308-4 3. Daly M, Sutin AR, Robinson E (2020) Longitudinal changes in mental health and the COVID-19 pandemic: evidence from the UK Household Longitudinal Study. Psychological Medicine 1–10. https://doi.org/10.1017/S003329172000443 4. Fancourt D, Steptoe A, Bu F (2021) Trajectories of anxiety and depressive symptoms during enforced isolation due to COVID-19 in England: a longitudinal observational study. The Lancet Psychiatry 8:141–149. https://doi.org/10.1016/S2215-0366(20)30482-X 5. Warszawski J, Bajos N, Barlet M, et al (2021) A large, mixed-mode, representative seroprevalence population-based cohort for monitoring the SARS-CoV-2 epidemic in France: the EpiCov study. medrix 6. Kunzler AM, Röthke N, Günthner L, et al (2021) Mental burden and its risk and protective factors during the early phase of the SARS-CoV-2 pandemic: systematic review and meta-analyses. Global Health 17:34. https://doi.org/10.1186/s12992-021-00670-y 7. Taquet M, Geddes JR, Husain M, et al (2021) 6-month neurological and psychiatric outcomes in 236 379 survivors of COVID-19: a retrospective cohort study using electronic health records. The Lancet Psychiatry 8:416–427. https://doi.org/10.1016/S2215-0366(21)00084-5

Mots clés : Covid-19, symptomatologie dépressive, cohorte populationnelle, France

Conflit d'intérêt : Aucun

Auteurs : -