Le mindfulness dans l’aide à la prévention de la rechute

Éric Peyron (Lyon) a rappelé que la première vague des thérapies cognitivo-comportementales (TCC), essentiellement d’inspiration comportementale, visait à modifier les comportements. La deuxième vague, essentiellement cognitive, visait à favoriser les pensées alternatives. Le mindfulness ou thérapie de pleine conscience appartient à la troisième vague, plus centrée sur l’émotion et la pensée.

D’après Christophe André, le mindfulness est la qualité de conscience qui émerge quand on tourne intentionnellement son esprit vers le moment présent. C’est l’attention portée à l’expérience vécue et éprouvée, sans filtre, notamment sans jugement, sans attente : on accepte ce qui vient (1).

Historiquement, le mindfulness est inspiré des traditions culturelles orientales, en particulier du bouddhisme. Celui-ci cherche une transformation de l’esprit par la pratique de la méditation et de la sagesse. Il n’y a cependant pas de connotations religieuses dans le mindfulness. D’un point de vue philosophique, il se rapproche de la perspective de St Augustin pour qui l’individu doit reprendre possession de ce qui peut lui échapper en acceptant l’ordre du monde.

A l’origine, développées pour des problèmes de douleur chronique et de réduction du stress,  les techniques de mindfulness peuvent être intéressantes pour les patients alcoolodépendants (2). Elles sont indiquées dans la prévention des rechutes, en huit séances, pour des groupes de 8 à 10 patients. Les séances sont centrées sur le craving, avec un travail sur le repérage des émotions et l’impulsivité. L’efficacité de ces techniques est limitée par leur inefficacité chez les patients non sevrés, la nécessité de pratiquer en dehors des séances et les troubles neurocognitifs, fréquents chez ces patients.

Comment conjuguer approche psychothérapique et nouveaux paradigmes pharmacologiques ?

Pour Henri–Jean Aubin (Villejuif), les anciens paradigmes des troubles liés à la consommation d’alcool (usage, usage à risque, usage nocif, dépendance) avec un seul objectif thérapeutique, l’abstinence, doivent être dépassés. En effet, avec ce seul objectif, la majorité des patients échappent aux soins (92 % dans une étude européenne). Il faut tenir compte que près de la moitié des patients souhaite un objectif de réduction de la consommation. Cette possibilité est reconnue par 68 % des psychiatres, 55 % des médecins généralistes, 50 % des psychologues et 21 % des gastro-entérologues, d’après une enquête récente en France (3).

L’objectif de réduction de la consommation a été souligné dans les recommandations récentes, notamment celles du National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE, Royaume Uni) et de l’European Federation of Addiction Societies (EUFAS). L’Agence européenne du médicament a également souligné son intérêt dans le traitement de l’alcoolodépendance, comme alternative à l’abstinence (4).

L’approche combinée psychothérapique et pharmacologique peut s’inspirer avec profit du modèle d’accompagnement psychosocial BRENDA (5). Ce modèle s’appuie sur une évaluation biopsychosociale de la situation du patient, restituée et discutée avec lui, une évaluation empathique de ses besoins et des conseils sur les moyens d’y répondre.

Ce qui s’avère le plus efficace dans les programmes de TCC à destination des patients alcoolodépendants, est ce qui les pousse à s’engager dans un changement.  Parmi les modules de motivation, d’autorégulation, de compétences sociales et d’activités alternatives qui ont été évalués, c’est l’auto-monitoring qui s’avère le plus efficace (le patient note sa consommation d’alcool sur un carnet).

Quels programmes d’éducation thérapeutique pour les patients alcoolodépendants ?

Julie Geneste–Saelens (Clermont-Ferrand) a rappelé que l’éducation thérapeutique était une approche humaniste, centrée sur le patient alcoolodépendant, ses besoins, ses attentes et ses ressources, afin de l’aider à comprendre sa maladie, son traitement et à devenir autonome. D’après l’HAS, l’éducation thérapeutique, encadrée par la loi du 21 juillet 2009 « Hôpital, patients, santé et territoire » (HPST), vise à aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences nécessaires pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique.

L’éducation thérapeutique comporte quatre étapes : 1) un bilan éducatif, avec négociation des objectifs thérapeutiques avec les patients, 2) des interventions éducatives, avec des techniques d’animation adéquates, 3) l’évaluation des résultats et 4) le suivi. Les buts sont d’aider le patient à se positionner, à accepter la vulnérabilité de la maladie alcoolique au long cours, à accepter les soins, les relations de dépendance aux autres, la chronicité et à gérer sa vulnérabilité avec ses propres objectifs.

Alain Dervaux, Paris