En décembre 2021, le Grand prix de la recherche Inserm a, pour la première fois, été attribué au champ de la psychiatrie. C’est Marion Leboyer qui a obtenu cette distinction. La récompense salue une femme qui a aujourd’hui à son actif 900 publications scientifiques, une femme qui se hisse au 12e rang des chercheuses françaises et au 256e des chercheuses internationales. Marion Leboyer est aussi une femme qui conjugue de très nombreuses responsabilités : Professeur des Universités- Praticien Hospitalier à l’Université Paris Est Créteil, elle est aussi Directrice médicale du Département Universitaire d’addictologie et de psychiatrie de l’hôpital Henri Mondor (DMU IMPACT, AP-HP) et du laboratoire Inserm « Neuro-Psychiatrie Translationnelle » (IMRB, Créteil). Parallèlement, elle est la directrice générale de la fondation FondaMental, fondation de coopération scientifique au service de l’innovation et de la recherche en psychiatrie. Marion Leboyer est aussi la mère de trois filles. La clé de cette trajectoire professionnelle édifiante ?

MarionLeboyer

Un parcours dense et acharné

Marion Leboyer travaille sans relâche : elle travaille le jour, et, bien souvent, comme elle dort peu, elle travaille aussi la nuit. Elle ajoute « Le temps est vraiment un problème. Ne pas dormir beaucoup c’est assez pratique ! ». C’est vers l’âge de 14/15 ans que s’est affirmée sa vocation médicale. Elle veut alors, dit-elle, aider et soigner les gens en devenant neuropédiatre. Déjà, elle envisage une carrière à l’hôpital et, à l’instar de ses parents, tous deux enseignants, elle souhaite embrasser une carrière universitaire. Reçue à l’internat de Paris, elle se détourne pourtant très vite de la neuropédiatrie qui la confronte à un sentiment d’impuissance. C’est finalement la psychiatrie, qui stimule son « besoin de comprendre » et son « désir de faire mieux ». Elle est en cela guidée, dès ses tout premiers stages, par des rencontres qu’elle estime déterminantes notamment celles avec Thérèse Lempérière, Jean-Pierre Lépine et Frédéric Rouillon, puis, plus tard, Daniel Widlöcher, Edouard Zarifian, Roland Jouvent, Marie-Christine Mouren-Siméoni, Jean-Charles Schwartz, Alain Puech, Josué Feingold… La liste de ses références paraît inépuisable !

Après avoir soutenu sa thèse de médecine sur l’autisme infantile, Marion Leboyer entreprend, , une thèse de science en « génétique et psychiatrie ». Elle devient cheffe de clinique puis PHU à la Pitié-Salpêtrière dans le service du Pr Widlöcher. Puis, elle poursuit sa carrière comme PU-PH à l’hôpital Henri Mondor à Créteil. Le Laboratoire de Neuro-Psychiatrie Translationnelle qu’elle y dirige explore les facteurs de risque génétiques et environnementaux, le rôle de, l’immunologie, l’imagerie cérébrale, les biothérapies des malades mentales… Au sein de la fondation FondaMental, Marion Leboyer a œuvré à la création d’un réseau de 54 centres experts, aboutissant à une meilleure coordination es soins et de la recherche psychiatrique française. Elle se réjouit des nombreuses publications qui résultent de l’utilisation d’outils diagnostics communs, du partage des données et de la création de grandes cohortes de patients. La fondation FondaMental œuvre également à la mise en place de projets collaboratifs entre cliniciens et chercheurs, privés et publiques.

Ce qui distingue le parcours de Marion Leboyer, c’est son caractère précocement international. Elle ajoute même qu’ « il faut passer par une reconnaissance internationale ». Outre son post-doc réalisé à Yale aux Etats-Unis, où elle rencontre des personnalités telles que Kenneth Kidd ou Kathleen Merikangas, elle fait de nombreux séjours, l’été, dans les universités et centres de recherche américains de renom en particulier à l’université de Pittsburgh ou elle rencontre celui qui devait devenir son mentor, David Kupfer.. Ces échanges enrichissants lui permettent d’approcher d’autres modes d’organisations et méthodes de travail. Elle y puise également, nous dit-elle, un sentiment de liberté, la possibilité d’évoluer dans des milieux différents.

Être une femme : mode d’emploi

Le fait d’être femme, longtemps, Marion Leboyer a voulu ignorer que cela puisse être un obstacle. Elle dit : « j’avais décidé que cela ne devait pas être un problème, on apprend à rester dans l’ombre, je suis timide donc je n’ai pas beaucoup de mal ». Sa prise de conscience est récente et son constat est hélas, assez banal : « Soit on ne prend pas la parole et on pensera qu’on n’a rien à dire, soit on s’exprime et on est très vite considérée comme trop agressive, ou trop carriériste… ». Elle ajoute : « en être consciente c’est important mais ce n’est pas toujours simple à gérer ».

Hier, aujourd’hui, demain

Marion Leboyer estime que les recherches qui ont été menées au cours de ces dernières décennies ont transformé la vision de la psychiatrie dont un certain nombre de troubles sont désormais à considérés comme des maladies systémiques. La découverte des premiers gènes de l’autisme, la mise en évidence de l’importance des facteurs de risque environnementaux, du rôle de l’immunité, la création des outils numériques ou encore le développement de l’intelligence artificielle sont autant de motifs de satisfactions et d’espoirs. Pourtant, elle constate que la carrière de PH-PU n’attire plus la jeune génération et s’interroge sur les ratés de cette transmission. Il faut probablement repenser les contours des métiers hospitalo-universitaires qui restent une formidable opportunité de mener de front le métier de médecin, de chercheur et d’enseignant.

Si Marion Leboyer était un nuage

NuageLeboyer

Un bref portrait proustien

 Le principal trait de mon caractère pathologique : L’anxiété et le perfectionnisme.

Ce que j’apprécie le plus chez mes collègues : La loyauté et l’engagement.

Mon principal défaut en entretien : L’impatience.

Mon occupation préférée quand je m’ennuie au cours d’un entretien : Je m’ennuie très rarement…

Mon rêve de bonheur de soignant : Guérir.

Quel serait mon plus grand malheur : Ne plus travailler !

Ce que je voudrais être (si je n’avais pas la chance d’être psychiatre !) : Architecte.

Le pays où je désirerais vivre : Israël.

La couleur que je préfère pour des comprimés : Blanc.

La fleur que j’aime : Les pensées.

L’oiseau que je préfère : Le moineau.

Mes poètes préférés : Prévert, Eluard…

 Mes peintres favoris : Matisse, Van Gogh,Vermeer…

 Mes héroïnes dans l’histoire : Simone Veil.

La réforme du système de sante que j’estime le plus : Il y en a tellement… Je dirai la création des CHU et des centres experts.

Une découverte scientifique qui a une valeur particulière à mes yeux : La découverte des gènes de l’autisme.

Une rencontre qui a été déterminante sur mon cheminement en psychiatrie : Marie Åsberg, David Kupfer.

 Je peux inviter pour un repas à ma table qui je veux, personne vivante ou morte, en choisir 4.

Dieu pourquoi pas, mais je ne sais pas ce qu’il mange !

État présent de mon esprit : Les raisons d’être inquiets sont nombreux, changement climatique, guerre, crise de l’attractivité du monde hospitalier, mais il y a aussi de nombreuses raisons de se réjouir de la transformation actuelle de la psychiatrie grâce à l’innovation et la recherche.