Du laboratoire au cabinet du psychiatre
Ni la génétique, ni l’imagerie cérébrale ne sont à l’heure actuelle des éléments habituels de notre pratique clinique. Les progrès réalisés dans ces domaines pourraient cependant faire évoluer cette situation. En génétique, par exemple, de nouvelles techniques plus faciles d’accès et plus complètes pourraient demain participer pleinement à notre démarche diagnostique, ce qui n’est pas sans poser des questions en termes d’appréhension de la maladie et de conseil génétique (R8). D’autant que l’épigénétique nous apprend que, quel que soit le génome d’un individu, les facteurs environnementaux peuvent avoir une influence déterminante sur l’expression de celui-ci, voire même sur celui de sa descendance (R1). De façon assez parallèle l’évolution des techniques d’analyse permet maintenant à l’imagerie de s’intéresser, non plus seulement à la détection à un moment donné d’anomalies cérébrales témoignant d’une maladie particulière, mais aussi à l’évolution de ces anomalies dans le temps et donc au rôle des facteurs endogènes et exogènes sur celles-ci (S13A). Différents exemples de la valeur diagnostique ou prédictive des résultats de l’imagerie (S13A-C, S27A) et de l’apport de l’imagerie multimodale à notre compréhension des maladies mentales (S13B) seront présentés au cours de ce congrès.
La technique, pour être au plus près de l’individu ?
L’un des domaines les plus prometteurs d’application de ces nouvelles techniques est celui de la personnalisation des traitements dans les troubles de l’humeur. Ainsi deux symposia seront consacrés à Nantes à la recherche de biomarqueurs dans la dépression (S15) et dans les troubles bipolaires (S27). Pouvoir prédire la réponse thérapeutique au lithium (S27C) ou aux antidépresseurs (S15C) est en effet un enjeu quotidien pour le psychiatre. De même un effet indésirable comme l’apparition (ou l’aggravation) d’idées suicidaires en début d’un traitement antidépresseur, un phénomène grave mais encore mal connu, pourrait être en partie prédit par des éléments cliniques (S15A) mais aussi génétiques (S15B). Dans le trouble bipolaire, l’imagerie (S27A) ou l’analyse des rythmes circadiens (S27B) pourraient également participer à la fois au diagnostic et à une meilleure personnalisation des traitements. Les effets de l’âge apparaissent aussi importants à prendre en compte dans la biologie des troubles de l’humeur. En effet, la dépression semble présenter des mécanismes moléculaires communs avec le vieillissement normal du cerveau qui pourrait ainsi favoriser les modifications biologiques associés à cette maladie dans un système d’interactions réciproques (R8).
Des paradigmes aux frontières mouvantes
Les représentations cliniques des maladies mentales évoluent aussi. Ainsi, chez les personnalités borderline les hallucinations acoustico-verbales apparaissent en fait relativement fréquentes et devraient donc être considérées comme des symptômes à part entière, en dehors de toute comorbidités ou prise de toxiques (S23A). D’ailleurs le concept de gènes de plasticité pourrait être plus pertinent pour notre compréhension de l’origine de ce trouble que celui de gènes de vulnérabilité (S23B). Les paradigmes concernant la schizophrénie évoluent également (S1), que ce soit sur la place plus ou moins centrale des troubles des affects dans cette maladie (S1A), ou sur le rôle de la vitamine D (S1B) ou des processus inflammatoires dans ses mécanismes (S1C). Enfin, l’approche évolutionniste est une façon assez radicale de changer notre regard sur les maladies mentales (S34) même si ses limites ne peuvent être ignorées (S34A). Au sein de cette approche les neurosciences affectives constituent un modèle biologique plus vaste qui, en s’appuyant sur la phylogenèse des émotions, fait le lien entre l’homme et les autres espèces animales (S34B-C).