CFP 2022

DPC4 – Le sevrage tabaco-cannabique en Psychiatrie

FA18A – Caractéristiques cliniques des patients adressés en addictologie de liaison aux urgences d’un hôpital général universitaire

La consommation de tabac est quasiment considérée comme une norme en psychiatrie et ne fait pas partie des priorités dans la prise en charge des patients. Et pourtant plus de la moitié des patients suivis en psychiatrie décèdent d’une pathologie liée au tabagisme. Mais comment faire pour que la défume devienne un enjeu majeur dans la prise en charge de ces patients ?

Rien que cela…

La consommation de tabac est responsable de plus de 8 millions de décès par an dont 1,2 millions chez les non-fumeurs. Elle est à l’origine d’une diminution de 20 à 25 ans de l’espérance de vie. En France, la prévalence du tabagisme est l’une des plus hautes d’Europe de l’Ouest. Le tabagisme représente la première cause de mortalité évitable avec 75000 décès en 2015 principalement par cancer (61 %), maladie cardio vasculaire (22,1 %) et pathologie respiratoires (16,2 %).

Idée reçue N°1 : le tabagisme en psychiatrie, on n’y peut rien s’ils ne veulent pas arrêter…

Comme souligné par le Dr Deschenau (DPC4), 60 à 90 % des patients atteints de schizophrénie consomment du tabac ce qui est beaucoup plus important que dans la population générale. De même dans le cadre de l’addictologie de liaison (FA18A), 69 % des patients évalués ont une consommation quotidienne avec en moyenne près de 20 cigarettes par jour. Mais la majorité des patients souhaitent réduire voire arrêter leur consommation. Cependant la mise en place du processus d’arrêt ou de diminution est plus difficile d’une part de par leur pathologie psychiatrique comorbide mais aussi car leur niveau de dépendance est souvent plus sévère.

Idée reçue N°2 : le tabagisme « c’est vraiment pas l’urgence » en psychiatrie…

Plus de la moitié des patients atteints de trouble psychiatrique vont décéder d’une pathologie en lien avec le tabac… Alors n’est-il vraiment pas urgent de s’en occuper ?? De plus, la consommation de tabac entraine de nombreuses interactions au niveau de la pharmacocinétique des traitements psychotropes notamment des traitements antipsychotiques dont les modulations des concentrations peuvent être à l’origine de rechutes mais aussi de nombreux effets secondaires.

Idée reçue N°3 : pour l’arrêt du tabac, il n’y a que la motivation qui compte…

Certes la prise en charge spécifique de ces patients est complexe avec des taux d’abstinence moins importants et des taux de rechutes plus importants mais l’ensemble des traitements médicamenteux validés en population générale est également recommandé chez nos patients ayant une comorbidité psychiatrique. Cependant une adaptation des doses peut être nécessaire devant une présence de symptômes de sevrage plus marqués. De manière plus marquée qu’en population générale, l’association d’une psychothérapie ainsi que d’un étayage soignant renforcé permet d’augmenter les taux de réussite. De nouvelles pistes restent à évaluer notamment le bénéfice de la cigarette électronique ainsi que les risques (s’ils existent) de son impact au long court ou encore l’usage de nouvelle thérapeutique telle que les psychédéliques semblant être prometteuses à la fois dans le trouble lié à l’usage du tabac mais aussi dans certains troubles psychiatriques tel que les épisodes dépressifs caractérisés résistants.

Afin de pouvoir approfondir cette question majeure dans la prise en charge de nos patients, une session thématique intitulée « Tabac en psychiatrie : améliorer l’accès à la prévention et à l’intervention précoce » présidée par le Pr Nicolas Franck abordera de nouveau ce sujet sous un angle différent lors du prochain congrès du CFP à Lyon.

 

Bruno Roméo
Villejuif