Editorial “Addictologie” de l’édition 2022 du Congrès Français de Psychiatrie

Les points forts

  • Les psychotraumatismes sont très intriqués avec les addictions : il est nécessaire d’en tenir compte pour la prise en charge.
  • Traitements agonistes opioïdes à libération prolongée : un réel progrès dans la prise en charge des patients dépendants des opioïdes.
  • Les addictions aux jeux vidéo et à Internet sont de plus en plus fréquentes : leur prise en charge est fondée sur la psychothérapie.
  • Encore un réel progrès de prise en charge addictologique : les infirmier(e)s référent(e)s en addictologie.

Une fois encore au CFP 2022, l’Addictologie montre sa diversité. Insensiblement, cette discipline se structure, avec un corpus de connaissances en construction. Elle sera bientôt mûre pour former une discipline à part entière, avec des courants, par exemple la psychoaddictologie ou la médecine des addictions. Dans ce contexte, des progrès fondamentaux, cliniques et dans la prise en charge vont être rapportés à Lille, progrès discrets certes, mais bien réels…

Faire dialoguer fondamentalistes et cliniciens : mission impossible ?

Comment combler le vide entre scientifiques et cliniciens ? Un symposium a l’ambitieux projet de répondre à cette question : en dialoguant. Au congrès du CFP de Lille, ce thème sera focalisé sur le rôle du polymorphisme nucléotidique simple (SNP) du gène de la sous-unité alpha-5 des récepteurs nicotiniques dans l’addiction à l’alcool, au tabagisme et à certains troubles du comportement alimentaires. C’est dans une perspective translationnelle que des scientifiques fondamentalistes et des cliniciens dialogueront (S18).  

Addictions : conséquences de stress toxiques  ?

Les addictologues savent que les psychotraumatismes sont très fréquents chez les patients présentant des addictions. Les études épidémiologiques, notamment l’étude National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related Conditions (NESARC), ont retrouvé qu’ils étaient encore plus fréquents qu’on ne le pensait. Aujourd’hui, même les neurologues s’y sont mis, en proposant récemment dans JAMA Neurology, le concept de stress toxique (1). Ces auteurs, redécouvrant la Psychiatrie, ont souligné que les maltraitances physiques, abus sexuels, maltraitances émotionnelles, néligences physiques et émotionnelles, maladies mentales chez les parents, incarcérations d’un parent, violence entre les parents, avaient de nombreuses conséquences neurobiologiques qu’ils appellent le « stress toxique ». Ils ont lancé un manifeste pour mener des actions d’éducation, de collaboration multidisciplinaires, des traitements des dysrégulations de la réponse au stress. Nul doute que les addictologues seront à la page au débat  « Addictions et traumatismes : deux problèmes ou un très gros problème ? » (D10).

Arrêter des comportements sur lequel on a perdu le contrôle : possible ?

On retrouve dans l’addiction aux jeux d’argent la même injonction paradoxale que dans les addictions aux substances, celle de maîtriser des comportements vis-à-vis desquels on a perdu le contrôle. Une technique pour y faire face est la prise en charge la plus précoce possible. Le modèle du staging, inspiré de la cancérologie est de plus en plus influent en psychiatrie : l’idée est de dépister le plus tôt possible pour traiter avec un maximum d’efficacité. Dans les addictions aux jeux, un bon exemple est l’interdiction volontaire aux jeux, avant qu’il ne soit trop tard, quand l’addiction est là, caractérisée par la perte de contrôle et le craving. Cette attitude peut être amplifiée par d’autres interventions efficaces telles que les interventions brèves motivationnelles et cognitivo-comportementale. Ces aspects seront discutés en S09.

Addictions aux jeux vidéo et à Internet : quoi de neuf ?

Les addictions aux jeux vidéo et à Internet sont de plus en plus répandues, notamment chez les jeunes. Le trouble lié aux jeux vidéo a été inclus dans la classification internationale des maladies CIM-11. Néanmoins, ces pathologies sont très mal connues des professionnels et peu de sujets concernés demandent des soins. D’où l’intérêt de connaître les recherches actuelles sur la question. Le symposium  « Addictions aux jeux vidéo et à Internet : actualités » fera le point sur les effets nocifs induits par les écrans, les facteurs de vulnérabilité aux troubles liés aux jeux vidéo, les tests de dépistage et d’auto-évaluation et leur prise en charge, notamment par les thérapies cognitives et comportementales (TCC), les traitements médicamenteux et les thérapies familiales (S27).

Cannabis et troubles psychotiques : vieux débat ou nouvelle donne ?

Les effets psychotomimétiques du cannabis sont maintenant bien connus. En pratique clinique, un dilemme fréquent est de distinguer les troubles psychotiques induits par le cannabis des premiers épisodes psychotiques précipités par la consommation de cannabis. D’un point de vue thérapeutique, l’arrêt de la consommation est un enjeu majeur, malheureusement difficile à obtenir en pratique. D’où l’intérêt du débat  « Troubles psychotiques induits par le cannabis : des épisodes psychotiques comme les autres ? » pour mieux comprendre la clinique et la prise en charge des épisodes psychotiques survenant dans un contexte de consommation de cannabis (D02).

Traitements agonistes opioïdes à libération prolongée :
de nouvelles formes pour d’anciennes molécules ?

L’éventail thérapeutique aujourd’hui déjà très large dans l’addiction aux opioïdes avec des agonistes opioïdes tels que la méthadone et la buprénorphine, des antagonistes opioïdes tels que la naloxone en traitement d’urgence des surdoses et la naltrexone comme traitement de post-sevrage s’élargit encore avec l’avènement des agonistes opioïdes à longues durées d’action. Ceux-ci apportent un réel progrès dans la prise en charge des patients dépendants des opioïdes. Un débat « Traitement à libération prolongé pour la substitution aux opioïdes : vers un changement de paradigme ? » permettra de mieux manier ces nouveaux outils (D06).

Les infirmiers référents en addictologie : quésaco ?

Les Equipes de Liaison et de Soins en Addictologie (ELSA) ont été un réel progrès pour prendre en charge les addictions dans des milieux psychiatriques et médico-chirurgicaux. Les prises en charge addictologiques spécifiques peuvent s’articuler au mieux avec les autres disciplines dans la perspective appelée aujourd’hui de « prise en charge intégrée ». Pour aller encore plus loin, il s’avère que l’action des ELSA peut être considérablement amplifiée par celle de correspondants infirmiers dans les services de Psychiatrie. Ces infirmiers ont pour but de mettre en œuvre des méthodes thérapeutiques addictologiques de base telles que le repérage et informations brèves (RPIB), la prescription de traitements d’aide à l’arrêt du tabac, et la réduction des risques. Une rencontre avec l’expert fera le point sur l’expérience lyonnaise du Vinatier (R07).