CFP2019
D07
– Depuis 80 ans, la psychiatrie française est en crise cyclique !
Jean-Luc ROELANDT – Lille et Pierre-Michel LLORCA – Clermont-Ferrand.

« Pour grandir de nouveau, l’homme est obligé de se refaire. Et il ne peut pas se refaire sans douleur. Car il est à la fois le marbre et le sculpteur. C’est de sa propre substance qu’il doit, à grands coups de marteau, faire voler les éclats afin de reprendre son vrai visage. »1



Psychiatrie, tu connais bien la crise !

Alors que les français sont ralentis par une crise sociale de grèves dans différents secteurs dont le secteur médical, de la crise… Qu’en dit la psychiatrie ? Pour celle-là même qui aujourd’hui souffre d’un manque de moyens financiers et de personnel, J.-L Roelandt, directeur du Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de la Santé (CCOMS) fait un exposé accéléré de toutes les crises que la psychiatrie a traversé. Distinguant les crises externes telle que la Révolution française, la révolution de février 1848 ou encore la seconde guerre mondiale, des crises connues en interne (que nous citerons plus loin), nous trouvons également celles en poussées contradictoires.

La psychiatrie, un phénix ?

Pour ces dernières, il est fait référence à Alexis Carrel, prix Nobel de médecine en 1912 pour ses travaux de transplantation d’organes et de chirurgie cardiaque. Celui-ci plaidait l’eugénisme pour une société biocratique, un néologisme qui va en opposition avec le concept de gouvernance sociocratique, celui qui s’auto-organise. Carrel lui, s’orientait vers une « sélection naturelle selon la loi du plus fort » à distance de Darwin pour qui la notion de plus fort allait à celui qui s’adaptait le mieux. Développée dans son best-seller « L’homme, cet inconnu », Carrel se lie au régime de Vichy et c’est lui le premier qui introduit la construction des chambres à gaz qu’il préconise pour l’extermination des personnes handicapées. Il pense que : « La race blanche est malade parce qu’elle vit dans le confort, il n’y a plus de sélection naturelle, il faut développer les forts, ne pas protéger les faibles. ». En voilà un bien triste exemple de crise contradictoire en psychiatrie. Ce responsable d’un secteur de psychiatrie de la banlieue Est de Lille, J.-L Roelandt évoque également cette terrible « violence en miroir » qui peut régner au sein de la psychiatrie quand la contention, l’enfermement rime avec perte de l’espérance de vie chez les personnes atteintes de maladie mentale. 

Peau de chagrin

Heureusement la psychothérapie et la sociothérapie institutionnelle avec la clinique de La Borde de Jean Oury et les encadrements règlementaires vont participer cette fois, à une crise en interne, qui à dire vrai, élève la tendance. De son côté, Pierre-Michel Llorca précise qu’il n’est pas possible de faire de la psychiatrie sans être en lien avec la crise sociale. Dans Psychiatrie : L’état d’urgence, il écrit aux côtés de Marion Leboyer pour, précise-t-il, raconter ce système qui craque de toutes parts et engendre de la souffrance pour les malades, leurs proches et les équipes médicales. Il pointe alors le fait que la crise semble chaque fois nécessaire. Et, questionne sur ce que nous pouvons faire pour sortir de celle qui nous malmène aujourd’hui ?

Lors de ce débat, P.M. Llorca reprend une idée de Martine Wonner, qui faute de transport, n’a pas pu se joindre aux échanges. Cette dernière est médecin psychiatre et personnalité politique française. Elle propose la suppression des soins sans consentement. Une idée qui, d’une certaine manière, revient sur le projet initial cher à Pinel et Esquirol, d’un hôpital tout ouvert. Ce bel idéal est intercepté par l’intervention d’une auditrice (chef de pôle à Ville-Evrard) : « pour cela, il nous faudrait espérer davantage de personnel qualifié pour compenser les injonctions et les obligations de soins. Notamment avec les entretiens motivationnels des patients qui prennent du temps et nécessitent des qualifications. ». Quid des futurs élèves infirmiers en pratique avancée ou des futurs psychologues prescripteurs ?