Basic Needs en santé mentale

C3 – Un modèle holistique de soins communautaires dans les pays en voie de développement
Chris UNDERHILL – Warwickshire, UK

L’entrepreneur sociologue, Chris Underhill a présenté le travail mené par Basic Needs une Organisation Non Gouvernementale (ONG) dont il est le fondateur. Cette organisation œuvre pour la santé mentale et ses représentations dans des pays en voie de développement au côté des personnes en souffrance, leur famille et leurs soignants.

Dans un respect de la dynamique socio-médicale du pays dans lequel elle intervient depuis 2000, cette association à but non lucratif accompagne les communautés à s’interroger sur leurs pratiques médico-psychologiques et psychiatriques. Désormais active dans quatorze pays, elle s’emploie également à mettre en place des organisations de soins adaptées aux besoins et possibilités du territoire et par la même, à se réparer avec les droits humains.

Bo pen yang !

Nombreux pays sont frappés par des ressources extrêmement réduites concernant les possibilités de soins en psychologie et psychiatrie. L’exemple est donné sur le Laos qui compte deux psychiatres et deux centres spécialisés pour environs 6,7 millions d’habitants.

Il existe une expression très répandue au Laos, Bo pen yang qui signifie : Pas de problème ! Pas de soucis ! Elle illustre bien la pensée philosophique de ce pays qui consiste à éviter autant que faire ce peut, de se laisser contaminer par l’agressivité et les procès hostiles. C’est en tous les cas ce que le philosophe et essayiste français, Vincent Cespedes traduit de cette parole. Il y a des cas, comme cette famille qui se retrouve bien malheureuse et en difficulté lorsque viennent à s’aggraver les troubles schizophréniques de leur enfant. Ne pouvant plus financer le traitement de leur fille, celle-ci a commencé à devenir violente. Il a bien fallu trouver un moyen pour se protéger d’elle mais également pour la garder sauve du monde extérieur. Alors, les siens « ont dû » l’enfermer dans une cage durant deux ans.

Basic Needs, une approche multiforme

Il y a la séance communautaire où l’origine de la maladie mentale ainsi que les possibilités de traitements sont questionnées. Certaines familles doivent faire le choix de l’impossible. Comme pour celle de cette jeune fille qui présente des troubles schizophréniques : faut-il s’endetter pour la soigner ou l’enfermer ? Chris Underhill déclare qu’apporter des soins médicamenteux ou institutionnels spécifiques à son parent, c’est « devenir plus pauvre qu’avant ». En effet, pour les gens qui ont une affection psychiatrique dans leur famille, une réflexion sur la santé mentale est organisée. Et parce que Basic Needs souhaite s’accorder avec la dynamique spirituelle, culturelle et religieuse du pays, dans le cas du Laos ce sont les moines bouddhistes qui sont conviés afin de trouver comment endiguer ces situations. Quant à Livelihoods, cela concerne les moyens d’existence. C’est comment la personne atteinte d’une maladie mentale va pouvoir, à travers l’agriculture ou l’artisanat, retrouver un rôle dans la communauté.

« Our program »

L’ensemble des recherches se concentre sur la pratique de comment travailler ensemble, il s’agit d’un pilotage participatif de type ascendant, dit bottom-up. Ici, les initiatives sont orientées du côté des patients eux-mêmes qui vont par la suite transmettre ce savoir faire aux autres. Ils peuvent donner des recommandations en se réunissant une à deux fois par an. Que ce modèle se base sur de l’empowerment c’est-à-dire en restaurant le pouvoir d’agir des citoyens, participe probablement à la réussite de cette organisation. Et Chris Underhill indique avec chaleur et enthousiasme que les participants s’approprient le programme qui devient leur, «  our program ».

Bien sûr il faut des partenariats. En premier lieu, c’est avec le gouvernement qu’il faut collaborer, car c’est également ce lien avec les ONG locales qui permet l’enracinement et la pérennité du projet. Ainsi, au Laos et ailleurs, Basic Needs organise des groupes de femmes afin qu’elles participent et « vérifient » la bonne voie et les possibles guérisons des uns et des autres. Depuis 2000, c’est près de 680 000 patients et familles qui ont pu bénéficier d’accompagnements, de suivis et d’aides adaptés[1]. Enfin ce modèle d’action en santé mentale situé dans la communauté commence à être utilisé par des pays comme l’Amérique que Chris Underhill qualifie de « en voie de tiers-mondialisation » où des cas d’errances et de pauvreté sont en constante augmentation.

Avant de nous quitter, le conférencier nous laisse méditer sur cette formule de Benjamin Constant : « Ne soyez ni obstinés dans le maintien de ce qui s’écroule, ni trop pressés dans l’établissement de ce qui semble s’annoncer. ».[2]

C’en est de même pour notre jeune patiente Laotienne et d’autres comme elles, jadis vus comme des fous, violents et agressifs, ils ont pu se libérer de leur cage métallique. Une fois les soins sociaux et médicaux repris, le travail que cette jeune femme fait, issu de son apprentissage, lui permet de financer ses médicaments. Il s’agit d’un vrai modèle de soin participatif et depuis la pédagogie jusqu’à l’identification, passant par la prise en charge de la maladie mentale, chacun y est intégré. C’est ainsi que même après le départ de l’ONG, ce programme restera viable.