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Tous les participants à ce symposium ont souligné l’absence de consensus pour définir les addictions sexuelles. Ce diagnostic n’a pas été retenu dans le DSM-5. L’appellation même de cette pathologie fait débat : sexualité addictive, hypersexualité, sexualité compulsive, sexualité impulsive, comportement sexuel excessif, hypersexualité, dépendance sexuelle, hyperesthésie sexuelle etc…

Sessions thématiques du congrès 2014 :
S30 : Les addictions sexuelles, à la croisée des chemins : questionnements cliniques et thérapeutiques Conférencier(s) :S30A – Addiction sexuelle ou hypersexualité : 2 termes différents pour une même pathologie ?
Aline WERY – Louvain-La-Neuve
>S30B – Quand le sexe rencontre internet…
Irène CODINA – Paris
>S30C – Ils ne pensent qu’à ça… De l’intérêt de la restructuration cognitive en groupe, des addicts sexuels
Marie GRALL–BRONNEC – Nantes

Les points forts

  • La plus grande souffrance des patients consultant pour addiction sexuelle sur Internet est celle de ne pouvoir s’arrêter.
  • Les thérapies de groupe focalisées sur la restructuration cognitive sont une thérapie de choix dans les addictions sexuelles.

Addictions sexuelles : facteurs de risque

Aline Wery (Louvain-La-Neuve) a souligné que l’addiction sexuelle était considérée par certains auteurs comme un trouble obsessionnel compulsif, par d’autres comme un trouble du contrôle des impulsions ou comme un trouble spécifiquement sexuel. L’addiction sexuelle est caractérisée par des comportements sexuels répétés avec perte de contrôle, désir de les interrompre sans y parvenir et des conséquences négatives pour le sujet et ses proches. Les sujets sont plutôt de sexe masculin, trois à cinq hommes pour une femme, de niveau éducatif élevé, en majorité mariés.

Les facteurs de risque environnementaux sont l’attachement insécure, des antécédents d’abus sexuel dans l’enfance, avec des sentiments consécutifs de honte et de blessure de l’estime de soi. Les facteurs de risque psychopathologiques sont des troubles de l’estime de soi, la dépression, la dysthymie et les troubles anxieux. Les facteurs liés à Internet sont l’accessibilité, l’anonymat et la gratuité. Il existe de nombreux outils d’évaluation des addictions sexuelles, qui ont malheureusement de faibles qualités métrologiques.

Addictions sexuelles sur Internet

Irène Codina (Paris) a rappelé les quatre étapes conduisant aux addictions sexuelles sur Internet 1) préoccupations, 2) ritualisation, 3) comportement compulsif, 4) impossibilité de faire face. Dans une série de 102 cas de patients ayant consulté à l’Hôpital Marmottan pour addictions sexuelles, le temps moyen passé sur Internet était de cinq heures par jour. Elle a souligné l’intérêt des groupes d’entraide communautaires et celui de logiciels de contrôle parental et de filtrage de sites Web, non spécifiques, tels que K9 Blue Coat, F-Secure Mobile Security et Mobicip.

Addictions sexuelles : intérêt des thérapies de groupe focalisées sur la restructuration cognitive

Marie Grall-Bronnec (Nantes) a rappelé que les addictions sexuelles représentaient le prototype mêmes de l’addiction : perte de liberté, envahissement psychique, activité qui devient centrale, perte de contrôle, poursuite des conduites malgré les conséquences négatives, dommages conjugaux, financiers, psychologiques, professionnels, judiciaires et infectieux. Sa prévalence est de 3 à 6% en population générale, 10 à 17% en population étudiante. D’un point de vue cognitivo-comportemental, les patients présentent fréquemment des distortions cognitives, notamment de leurs représentations des relations aux autres, de type « je ne suis ni aimé ni aimable », « je ne peux compter sur personne pour m’aimer ». Les relations sont ritualisées : dépendance à l’autre ou l’autre considéré comme un objet. Le but des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont de réduire ou supprimer les comportements problèmes et de modifier les systèmes de pensée et d’aider à instaurer de nouveaux modes relationnels. Les TCC utilisent également des techniques de désensibilisation systématique, de prévention des rechutes, de prescription de symptômes, de gestion du stress, de résolution de problèmes et d’entraînement aux habiletés sociales.

Plus spécifiquement dans les addictions sexuelles, l’intérêt des techniques de remodelage fantasmatique a été soulevé. Elles sont inspirées des manuels de Ladouceur, aves évaluation des avantages / inconvénients, évitement des situations à risque, évaluation de la dernière séance problématique, et information sur les idées erronées. Les thérapies de groupe de 10 séances avec évaluation à 3, 6 et 12 mois sont intéressantes en complément de la prise en charge individuelle. Elles utilisent des techniques de restructuration cognitive : psychoéducation sexuelle, travail sur l’image de soi, restructuration cognitive des représentations de la sexualité, représentations de soi et représentations du partenaire. L’intérêt majeur des ces thérapies est que, pour les patients, le partage des expériences est plus convaincant que le discours des thérapeutes.